Strictement professionnel

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Lila

Je laisse Nikko entrer alors que je referme la porte sur Dimitri. Voir son visage désemparé même seulement une seconde me bouleverse et a fait ressurgir tous les sentiments que je tentais d'oublier. Dimitri s'est moqué de moi. Il savait très bien ce qu'il faisait et n'a rien fait pour me mettre en garde. Il aurait très bien pu s'en tenir à son "travail" sans pour autant jouer de la sorte avec moi. En fait, il ne vaut pas mieux que Charles. Charles au moins, malgré tous ses défauts, ne m'a pas fait espérer un avenir meilleur. Alors que c'est ce qu'a fait, inconsciemment Dimitri. Il m'a laissé entrevoir une vie plus belle. Une vie que je mérite après tout ce que j'ai dû supporter. Mais en faisant ce qu'il devait faire, il me refuse cette promesse. La promesse d'une vie heureuse. Je le déteste. Quand on dit : "de la haine à l'amour, il n'y a qu'un pas", je ne pensais pas en faire les frais à nouveau pour vérifier ces mots.

Je me retourne et aperçois le visage soulagé de Nikko. Je ne peux plus empêcher mes larmes de couler et m'éfondre dans ses bras.

- Totul este bine draga, murmure-t-il en caressant mes cheveux. Ça va aller, tout va bien.

Je laisse toute la pression de ces derniers jours retombée dans les bras de mon ami. Je suis heureuse qu'il soit là même si ça  ne se voit pas dans ma façon d'agir à cet instant.

- Merci d'être là, dis-je finalement plusieurs minutes plus tard.

- Lil tout va bien ? demande mon frère qui vient d'apparaître dans le hall d'entrée.

Je m'écarte alors de Nikko et sèche mes larmes du revers de la main. Je gratifie Raf d'un sourire timide pour lui faire comprendre que je vais bien. Même si ce n'est pas flagrant dans l'immédiat.

- Tu dois être Dimitri ? dit Rafael en s'adressant à mon ami. Ça parle que de toi depuis tout à l'heure.

- C'est Nikko, dis-je.

- Content de faire ta connaissance Rafael, déclare Nikko.

- Oups, désolé... Je l'aurai su si je t'avais laissé parler avant, annonce mon frère en rigolant.

C'est vrai que l'accent roumain de Nikko aurait ôté tous les doutes que pouvait avoir Rafael sur l'identité de mon ami.

La sonnette d'entrée retentie alors qu'on frappe à la porte simultanément.

- Ça, c'est Dimitri, dit Nikko en regardant mon frère.

Mon regard doit certainement me trahir. Rafael me connaît par coeur et au vue de la tête qu'il fait à cet instant, il a compris que je ne souhaitais pas voir la personne qui se trouve derrière la porte. Raf prend les devants et pose sa main sur la poignée. 

- Je lui dis de partir ? demande-t-il avant d'ouvrir la porte.

Je lui fais alors un signe de tête pour approuver. Je m'éloigne ensuite dans le salon avec Nikko. Je ne tiens pas à revoir le visage de Dimitri. Et je ne tiens pas non plus à lui montrer ma douleur.

À peine quelques secondes plus tard, j'entends les cris de Dimitri résonner dans la maison.

- Lila  ! Je veux juste te parler ! Lila, s'il te plait !

- Va lui parler à la fin ! lance mon père. Je ne tiens pas à ameuter tout l'étage ! Tu as créé bien assez de merdier pour aujourd'hui !

- Merci de ta compassion papa.  Ça me va droit au coeur, lancé-je hautaine.

Mais il a raison dans le fond, c'est seulement la forme qui me dérange. Je vais devoir aller parler à Dimitri, je crois que je n'ai pas le choix. C'est donc là que j'abandonne Nikko avec mes parents. Courage Nik... J'avance donc lentement vers mon frère qui se tient entre la porte et le hall, entre Dimitri, et moi. 

- C'est bon Raf.

- Sûre ? demande mon frère en me regardant.

- Ouais. Attends-moi en bas, dis-je à Dimitri froidement.

Dimitri me regarde en ayant l'air perdu. Il ne réagit pas et reste là, comme inanimé.  C'est maintenant que je remarque que l'homme que je ne connaissais pas tout à l'heure a disparu. Daniel peut-être...

- J'ai dit : en bas, répété-je à Dimitri.

- Tout ce que tu voudras.

Je le retrouve plusieurs minutes plus tard devant l'immeuble. Il est en train de parler au troisième homme que je ne connais pas. Ce dernier lui dit quelques mots en me regardant puis s'en va. Dimitri se retourne alors et soupire en me voyant. Je le regarde  avancer déterminé vers moi. Freinant son élan, je place la paume de ma main sur sa poitrine pour qu'il ne fasse pas un pas de plus dans ma direction. Ses mains prennent la mienne qui est posée sur son coeur. Un frisson indéfinissable me parcourt les reins. Je me perds un instant dans ses yeux dorés, comme je l'ai déjà fait tant de fois. Les larmes me montent aux yeux d'une violence phénoménale. Je ne sais pas comment je parviens à les retenir de se déverser sur mes joues. Mais je dois garder la face.

- Lila, dit-il en caressant maintenant ma paumette avec son pouce. Tu vas bien, soupire-t-il.

- Qu'est-ce que tu veux ? dis-je en retirant sa main de mon visage.

- Que tu me pardonnes... C'est tout ce que je souhaite. J'ai été trop con... Je suis tellement désolé...

- Et tu penses que j'aurai raison de te faire confiance ? Après ce que t'as fait ? Tu t'es foutu de moi  ! m'énervé-je. Tu savais très bien que tu me ferais du mal et tu n'as pas hésité. Au moins, avec Charles, je savais à quoi m'en tenir. Mais toi... Toi, tu est bien pire que lui en fait, dis-je les yeux débordants de colère.

- Dis pas ça mon ange. Je n'ai rien à voir avec ce mec, ni de prêt, ni de loin. J'aurai dû arrêter tout ça, je le sais. Je m'en veux tellement si tu savais... Je t'aime Lila, déclare Dimitri en prenant doucement mon visage entre ses mains. Je t'aime, dit-il les yeux brillants. Je t'aime...

Je laisse échapper une larme qui trahie ma faiblesse face à cet homme. Mais il est hors de question que je me fasse avoir à nouveau. Dimitri ne me détruira pas une seconde fois.

- Je suis désolée, mais je n'y arriverai pas...

Désespéré, Dimitri vient poser ses lèvres sur les miennes. Mon coeur s'emballe comme jamais, comme s'il venait de se réveiller soudainement. Je me laisse alors emporter dans cette tornade d'émotions qui a prit place dans tout mon corps. Notre baiser n'a jamais été si intense qu'aujourd'hui. Les semaines précédentes se rappellent à moi. Je me souviens alors comme j'étais heureuse près de lui, à quel point il me rendait vivante, et libérée. Puis, sa trahison vient alors me frapper en pleine poitrine. Je cesse cette étreinte enivrante et m'écarte de lui.

- Va-t-en s'il te plait, dis-je ensuite.

- Comment tu peux me demander de partir ? Ose me dire que tu ne ressens rien. Ose me dire que tu ne m'aimes pas, dit-il la voix tremblante.

- Non Dimitri, je ne t'aime pas, dis-je en mentant avec toute la peine du monde. La seule chose que je ressens à cet instant, ce n'est que du dégoût. Oublie moi, car moi je ne souhaite qu'une chose : t'effacer de ma tête.