Chapitre 2

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Je suis un peu agacé de mourir maintenant, alors que personne n'a encore reconnu mon génie. C'est vrai, ça. Personne ne pleurera de désespoir sur mon cadavre. Personne ne se souviendra de moi autrement que comme un boulet qui a passé vingt-six ans à manger des pâtes tout seul. Franchement, ça a quelque chose de déprimant.

Mais après tout... J'ai donné assez pour les vivants, et j'espère que les morts, eux, sauront m'apprécier à ma juste valeur.

C'est donc déterminé à briller que j'ouvre les yeux.

Je m'attendais à trouver n'importe quoi. Un dieu, un tunnel, le Paradis, les Enfers, n'importe quoi, mais pas les deux yeux gris de la fille de l'ascenseur.

« Ah !, je braille, d'un ton tout à fait ridicule.

Enfin. J'ai cru que tu ne te réveillerais jamais. »

Elle me toise d'un air sévère, pendant que je balaie la pièce du regard. Ce n'est pas ma chambre. Ma chambre n'est pas entourée par des rideaux blancs, mon oreiller n'est pas aussi confortable et il n'y a pas d'électrocardiographe à côté de mon lit.

Minute.

Un électrocardiographe ?

J'aperçois les fils qui relient mon bras à la machine, et je braille une seconde fois :

« Ah ! »

La fille roule des yeux et moi, je panique.

« Où je suis ? Qui tu es, toi ? Est ce que je suis mort ?

- Bien sûr que non, imbécile, siffle-t-elle.

- Je...

- Tais-toi, d'accord ? »

Alors ça, c'est la meilleure. Outré, je m'exécute, et me plonge dans la contemplation du hideux bandage qui entoure mon torse. Le souvenir des griffes de l'alien déchirant ma peau me fait frissonner.

« Tu n'es pas Archie, n'est-ce pas ? »

Par pure fierté, je m'étais promis de ne pas lui répondre si elle m'adressait encore la parole. Mais la question, après m'avoir décontenancé une seconde, m'éclaire enfin.

Lecteurs, c'est l'heure d'une petite mise au point.

Les aliens infestent la Terre depuis bientôt un siècle. Ils ont débarqué un jour, sans prévenir, et les humains n'ont pas eu le temps de se poser des questions. Il fallait se battre. Ils ont alors rassemblés les meilleurs d'entre eux, les plus endurants, les plus aventureux, pour former une armée destinée à lutter contre les aliens : la Protection.

Les Protecteurs sont l'élite de la nation. De farouches guerriers chargés de protéger les braves citoyens des aliens assoiffés de sang. En réalité, leur action est bien insuffisante. Les Protecteurs, surtout ceux qui arrivent à survivre plus de six mois, sont rares. Ils sont devenus des sortes de super-héros, des êtres dont on attend désespérément la venue, dont on ne sait plus s'ils existent réellement ou non.

Je ne suis pas un Protecteur. Mon frère, Archibald, si.

« Je ne suis pas Archibald, je commence, d'une voix lasse. Je ne suis que son frère jumeau.

- Je ne savais pas qu'il avait un jumeau, s'étonne la fille.

- Nous ne sommes pas en très bons termes.

- Alors tu n'as pas de nouvelles de lui ?

- Bien sûr que non. De toute façon, tout le monde sait qu'il est mo...

- Il n'est pas mort, me coupe t-elle avec fermeté. Il va revenir à la Protection, j'en suis sûre. »

Je hausse les sourcils. La foi des hommes envers mon frère m'a toujours étonné. Surtout quand on sait qu'il est mort. Enfin bref. Ce serait immoral de briser les espoirs de cette pauvre fille, j'imagine.

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