Chapitre 13

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Au fond, je ne sais pas si je m'attendais réellement à ce que mon évasion soit une réussite. J'ai déjà essayé mille fois de fuir en douce, et chacune de ces tentatives s'est soldée par un échec. Il était donc illusoire de croire que celle-ci ferait exception à la règle. Et pourtant, lorsqu'une main se pose sur mon épaule, je ne peux m'empêcher de soupirer.

« Qu'est ce que tu fais, Théthé ? »

Je me retourne pour faire face à Cindy.

Il me dévisage, ses sourcils broussailleux froncés, son visage figé dans un air de reproche.

« Je vais me dégourdir les jambes, je mens, en lorgnant du coin de l'œil les bâtiments de la ville.

- C'est déjà ce que tu comptais faire avant que l'alien ne nous attaque, hein ? »

Je ne peux réprimer un sourire gêné. Le membre de la Protection que je croyais le plus idiot est finalement celui qui me perce à jour. Ironique.

« Écoute, Cindy, reste en dehors de ça, d'accord ? Retourne avec les autres. »

Je m'apprête à reprendre ma route, mais Cindy ne semble visiblement pas décidé à lâcher l'affaire.

« Alors c'est vrai, tu nous largues ? Putain, Théthé, tu peux pas faire ça !

- Bien sûr que si. »

Je me rapproche de lui et tapote son épaule avec un sourire faussement désolé.

« Bonne continuation, Cindy. J'ai été heureux de faire ta connaissance. »

C'est faux. J'aurais oublié sa figure mal rasée dans trois jours. Mais bon, ça semblait plus correct.

Je fais volte-face, et traverse le passage piéton, déterminé à commencer une nouvelle vie. Comment sera-t-elle, je ne sais pas, est ce qu'elle durera longtemps, je ne sais pas, mais...

« Putain, Théthé !, braille Cindy, avec des trémolos dans la voix. Théthé, reviens ! »

Il hurle mon surnom ridicule, se lamente, gémit, et si je ne le connaissais pas, je croirais qu'on vient de lui couper un bras.

« Ferme ta gueule, Cindy, je grince, en m'arrêtant de marcher. Allez, ne t'en mêle pas, va voir les autres. »

J'attends quelques secondes qu'il m'obéisse. Mais lorsque je me retourne, il est toujours planté de l'autre côté du passage piéton, avec ses baskets crasseuses, son ventre probablement rempli de packs de bière et sa casquette vissée sur son crâne. Je le vois porter la main à ses yeux, et... non, sérieusement, est-ce qu'il pleure ?

« Arrête ! On se connaît depuis quatre heures, juste, laisse-moi partir, ok ? T'auras qu'à dire aux Protecteurs que c'est pas pour moi. Ça a jamais été pour moi, ouais, j'avais pas envie d'être Protecteur, de toute façon, j'ai...

- J'arrive pas à croire que tu fasses ça, renifle Cindy, en frottant son nez épaté. Dans un moment pareil, tu nous abandonnes. T'es un lâche. »

Il a craché le dernier mot. Comme si je le dégoûtais. Je suis presque vexé.

« Non, je suis intelligent, je rectifie, au contraire de vous tous ! Sérieusement les gars ? Vengeance ? Mais les aliens vont vous écraser ! Vous êtes trente, à peine, qu'est ce que vous comptez faire ? Refonder la Protection ? Personne ne viendra, parce que personne n'est assez stupide pour courir volontairement dans les bras des aliens !

- Les gens ne sont pas aussi égoïstes que toi, rétorque Cindy, acerbe. Je te parie que d'ici deux semaines, on aura une armée, et les lâches comme toi regretteront de ne pas en faire partie !

Aliens & CompagnieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant