Chapitre 18

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Je me suis toujours demandé à quoi ça ressemblerait d'être Archibald. Hormis l'apparence, nous n'avons rien en commun. Il a toujours été considéré comme le cerveau des deux. Celui sur lequel on peut compter. Celui qui sauverait l'univers sans hésitation. Celui-là gît au fond d'un fleuve et c'est moi, son bon à rien de frère, qui vais finalement poursuivre son œuvre.

Ironique.

Je réfléchis à ça, somnolent, à moitié endormi sur le fauteuil moche. Les sonneries du carillon, flanqué juste à côté de la cuisine, me réveillent à chaque fois. Elles se déclenchent de manière totalement aléatoire, qu'il soit l'heure pile, la demie, ou un même une heure qui n'a aucune importance. Pied de nez au bon sens qui ne semble pas du tout déranger le professeur Juliard.

Lui est étendu sur son canapé lit. Il s'est couché bien après moi, lorsqu'il a eu fini de couvrir une trentaine de feuilles de son écriture incompréhensible. Quand j'ai voulu m'approcher, l'air de rien, il m'a dit :

« Archie, laisse moi ça, tu veux ? »

Je ne voulais pas, mais je suis retourné m'asseoir. La nuit est devenue encore plus noire, mes paupières lourdes, et j'ai fini par tomber dans un sommeil entrecoupé de sonneries de carillon.

Qu'il dorme ou qu'il travaille, Juliard marmonne. Des choses inaudibles. Il marmonne, et on croirait à une espèce de toutou galeux qui se tourne et se retourne dans sa niche en grognant. Oui, je suis fier de la comparaison.

La nuit s'est passée comme ça. Sonneries du carillon, grognements de Juliard, pâleur de la lune, odeur forte du fauteuil, crampes à cause de ma position et l'alcool qui tourne dans mon ventre.

J'ai été définitivement réveillé par le carillon, voulant absolument marquer six heures trois, et une grande envie de vomir. Je me suis levé, j'ai filé aux toilettes, et je n'ai pas vomi. Je suis resté dix minutes assis par terre. J'ai eu tout le loisir de contempler l'horrible carrelage du professeur. Je suis ressorti, et à présent je regarde les feuillets sur le bureau.

Je pourrais tout voler. Je pourrais tout prendre maintenant, quitter l'appartement et le transmettre à Hermione.

Je ne peux pas. Maya ne revient que dans cinq jours, et je pense que je ne survivrai pas trois heures sans elle en dehors de l'appartement du professeur. Et puis, ma mission est censée durer le plus longtemps possible. Tant que je suis ici, je suis en sécurité. Enfin, c'est ce que je croyais. Après avoir rencontré ce dingo de Juliard qui tire au pistolet sur des rats, je n'en suis plus aussi sûr.

Le professeur dort toujours. Un peu nerveux, je me penche pour pouvoir lire.

L'écriture est minuscule. Je ne vois presque rien, à cause du peu de lumière que laissent passer les rideaux. Mais surtout, c'est incompréhensible.

Je ne sais pas ce que je m'attendais à trouver. Peut-être bien des précisions sur la mystérieuse créature rouge dont m'a parlé Riley. Mais les feuilles de Juliard sont couvertes de calculs. Des milliards de chiffres alignés, qui me donnent presque une deuxième fois envie de vomir. Rien ne semble correspondre. Je n'arrive même pas à trouver un début, une logique. Et Hermione qui me demandait des informations sur les aliens... Est-ce que ça, ce sont des informations sur les aliens ?

Je m'approche un peu plus, et mon regard est attiré par un post-it. Dessus est inscrit : « P – L – R - E ». A côté de chacune des lettres, un numéro de téléphone.

Sans réfléchir, j'attrape le post-it et le fourre dans ma poche.

La pendule sonne avec vigueur. Je sursaute, et j'ai à peine le temps de reculer que les yeux du professeur se braquent sur moi.

Aliens & CompagnieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant