Chapitre 17

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« Vous êtes qui ? »

Le canon est bien appuyé contre ma tempe. Le type ne tremble pas. Il a les traits durs, le regard sévère, il me fait presque penser à mon géniteur. Il n'hésitera pas à tirer. Si je bouge, je suis mort. Pas besoin de précisions.

« Vous êtes qui ? »

Il me secoue, et je reprends mes esprits. C'est le moment de sortir le grand jeu.

« Je suis... Tu ne me reconnais pas ? »

Je désigne mon visage, avec un sourire forcé.

Une minute de silence.

Le type se rapproche encore de moi, ce qui, étant donné qu'il était déjà très près, ne me met pas très à l'aise. Il a le teint très pâle, les cheveux gris, et malgré ça, un air assez chic. Il porte un costard. Je n'ai aucune idée de pourquoi il porte un costard.

« Oh, putain », dit-il.

La connexion semble enfin se faire dans son petit cerveau. Il ouvre la bouche, et sa poigne se desserre un peu lorsqu'il s'exclame :

« Putain, Archie ! C'est toi !

- C'est moi », je confirme, avec un petit air suffisant.

Aussitôt, il me pousse dans son appartement, claque la porte, tourne la clé dans la serrure et se tourne vers moi avec un large sourire.

« J'y crois pas, me dit-il, en me dévisageant. Qu'est ce que tu fais là ? Tu as disparu depuis quoi, trois ans ?

- Je suis...

- Whisky ! », me coupe-t-il.

Pendant qu'il fouille son placard à la recherche de verres, j'inspecte son appartement.

En un mot ? Immonde.

Traces de boues, emballages de chips, cartons de pizza, tâches de gras, coussins retournés, draps défaits, et au milieu, une grande table où sont disposés des centaines de feuillets couverts d'une écriture en pattes de mouches. Probablement ce que veut Hermione.

Comment un grand gaillard en costard peut-il vivre là-dedans ?

J'allais m'approcher de la table, mais Juliard se retourne, et je me fige, tandis qu'il remplit deux petits verres à ras bord.

Il vide le sien cul sec, et je me sens obligé de faire de même.

C'est dégueulasse.

« Bon, voilà, on aura les idées plus claires. Viens t'asseoir. »

Il me désigne du menton deux fauteuils marron à moitié moisis. Génial.

« Je savais pas que tu reviendrais un jour. Benji m'avait dit que tu étais mort. Et tu es là ! »

Le professeur éclate de rire, se frotte le visage, qu'il a rectangulaire. Je n'arrive pas à lui donner un âge. Trente ? Quarante ans ?

« Il m'a assuré que tu t'étais noyé dans la Lys, qu'il t'avait vu tomber ! »

Il m'assène une grande tape sur l'épaule et recommence à rire.

« Noyé, qu'il disait ! Combien de fois je lui ai dit qu'il avait tort... On n'enterre pas Archie aussi facilement, n'est-ce pas ? »

Il s'arrête quelques secondes pour me regarder. Ses lèvres fines esquissent une sorte de sourire malsain. C'est presque dérangeant.

Noyé. Ainsi donc, mon idiot de frère s'est noyé. J'étais certain qu'il était mort. Il n'est pas du genre d'Archibald de disparaître pendant des années – il aime trop attirer l'attention pour ça –. Silencieux, il ne pouvait qu'être mort. Je le savais, donc. Mais la confirmation me fait quand même un... pincement au cœur. Noyé, n'est ce pas. Et Papa qui espère encore son retour.

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