Chapitre 9

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Je fixe le talkie-walkie pendant presque deux heures. Lorsqu'une voix grésillante me demande enfin « d'aller m'équiper », je quitte la gare d'un pas décidé. Les deux heures d'attente m'ont permis de reprendre mes esprits. J'ai réfléchi, et j'ai tiré des conclusions très simples.

Le Centre ne veut pas de moi.

Tant mieux, parce que je ne veux pas de lui non plus.

Je n'en ai rien à faire de Maya et de son Arthur Reed, de Jules et de ses menaces, du foutu test, des Buffles et des aliens. Non. Tout ce qui m'importe, c'est moi. Je vais donc m'en tenir au plan initial. Je pars en mission, et dès que j'en ai l'occasion, je tire ma révérence. Terminé. J'aurais voulu trouver de l'argent ou de la nourriture, mais je préfère encore fuir les mains vides que rester ici. Voilà. C'est fini.

Motivé par la perspective de ne plus jamais remettre les pieds au Centre, je pénètre triomphalement dans Lille Europe. Deux Protecteurs sont en train de contrôler l'état d'un train. Je les dépasse pour me rendre à ce que la voix de mon talkie-walkie a nommé « l'espace d'équipement ».

« L'espace d'équipement » est une manière plus élégante de dire « garage ». Des vieux tas de ferraille y sont stockés, de la moto au camion, en passant par le cabriolet, et tous en mauvais état. Intrigué, j'inspecte une fourgonnette bleue. Je me demande si elle roule encore.

« Théophane, par ici ! »

Je contourne la fourgonnette pour rejoindre mon interlocuteur. C'est une espèce de grand dadais roux, à moitié caché derrière un ordinateur qui semble avoir au moins deux siècles. Il a un visage enfantin, de mignonnes petites joues rouges, et une épaisse paire de lunettes. Je suis presque sûr de ne jamais l'avoir vu au Centre.

A côté de lui se tient une fille un peu plus jeune que moi – elle aussi inconnue au bataillon – aux cheveux teints en noir et aux yeux fatigués.

Je n'ai pas le temps de m'attarder plus sur elle car le grand dadais roux dit, d'une voix timide :

« Je m'appelle Riley. Je suis ingénieur en charge des Buffles. »

Je hausse un sourcil. Riley n'a l'air ni très confiant, ni très logique, ni très efficace. En bref, il est l'exact opposé de l'idée que je me fais d'un ingénieur.

« Je, euh... Les éclaireurs parcourent la ville, repèrent les aliens et transmettent leurs coordonnées au centre informatique de Lille Flandres. Là bas, les missions sont triées en fonction de leur difficulté. Celles qui conviennent aux Buffles me sont transférées, et je compose des équipes de Protecteurs pour s'en charger. Voilà. »

Riley tend la main vers la fille, et poursuit :

« Tu vas travailler avec, euh, Erika. C'est sa première mission à elle aussi. »

Je hoche la tête. La dénommée Erika renifle. Elle est d'une maigreur accablante, a le teint blafard, et mâche un chewing-gum avec un air suffisant. Je ne l'aime pas.

« Hum, j'ai... Je vais vous montrer... »

Riley remonte ses lunettes, nerveux. Il bafouille quelques paroles incompréhensibles avant de se réfugier derrière son ordinateur. L'écran projette une carte où clignote un point rouge. Riley zoome sur celui-ci, et explique :

« Les éclaireurs nous ont transmis un signal en provenance du théâtre Sébastopol. L'alien est isolé, il est cloîtré dans le théâtre depuis une petite demi-heure. Je ne pense pas qu'il bougera. Vous devez, euh, le neutraliser. »

Erika fait claquer sa bulle de chewing-gum. Je ne cache pas mon incompréhension.

« C'est... C'est juste ça ? Je pensais que les aliens envahissaient Lille, et on n'en voit qu'un sur la carte ?

Aliens & CompagnieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant