Chapitre 6

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Jamais je n'ai été dans un endroit aussi sombre que l'Hôtel.

J'ai beau écarquiller les yeux jusqu'à m'en faire mal, je ne vois rien. Je n'entends rien. Je ne sens rien.

C'est horriblement inquiétant.

« Euh... Petite ? »

Pas de réponse.

« Maya ? », je tente, en essayant d'avoir l'air gentil et adorable.

Toujours rien. J'actionne la poignée, mais la porte est définitivement close. La connasse. Elle m'a enfermé. Je suis sûr que ça l'amuse de me savoir à la merci d'un alien.

« Maya ? Ouvre, s'il te plaît, je crois que j'ai changé d'avis, en fait... »

Encore et encore le silence.

Je n'aime pas trop l'avouer, mais je commence à avoir peur.

« Maya ? Maya ! Maya Maya Maya Maya Maya Maya Maya Maya Ma... »

Un sifflement m'interrompt. Je me tais, le souffle court.

Rien. Je pourrais presque entendre mon cœur battre furieusement dans ma poitrine.

Cette fois, c'est trop. Il faut que je sorte.

« Bon, Maya, j'en ai assez, là, t'as gagné, je ne serai pas un Protecteur et je ne se... »

Un souffle glacé effleure mon cou. Je glapis, et détale dans le noir sans aucune idée de l'endroit où je me rends. Putain, j'en ai marre. Maya avait raison. Je vais mourir. Je vais mourir. Je vais mou...

Sifflement. Il se rapproche. Je redouble d'efforts pour courir plus vite, jusqu'à l'instant où je heurte ce qui semble être une table. Réprimant un gémissement de douleur, j'y fais glisser mes mains. Je reconnais les lames tranchantes des couteaux, la crosse d'un revolver, et la corde d'un arc.

Dans ma précipitation, je fais tomber l'arc, attrape un pistolet à la volée, et glisse un couteau dans ma poche.

Mes mains tremblent. Je dois me calmer. Identifier l'alien, et le tuer avec l'arme appropriée. Identifier l'alien. Mais comment est ce que je peux faire, moi, si je ne le vois pas ?

L'alien s'avance. Je le sens.

Je lève le bras, vise au hasard, et tire.

Pour les lecteurs qui auraient encore des doutes : tirer dans le noir, c'est une mauvaise idée.

Déjà parce que je rate ma cible – quelle surprise – et ensuite, parce que ça énerve l'alien. Celui ci émet une sorte de cri aigu, et puis, lumière.

Pendant deux secondes, j'ai tout le loisir de contempler son corps décharné, osseux et verdâtre, ses yeux globuleux et dépourvus de pupilles, et si je le vois, c'est parce que Monsieur crache du feu.

Oui oui. Comme un dragon.

Un hurlement prend naissance dans ma gorge et s'arrête juste au bord de mes lèvres. Je reste là, les yeux écarquillés, absolument terrifié, à tenter de me rappeler du traité de l'aliénologie que j'étais censé lire mais que je n'ai pas lu.

L'alien a une capacité, donc c'est... 0... Non, 1...

Je n'ai pas le temps de pousser la réflexion plus loin : l'alien expulse un deuxième geyser de feu et je déguerpis aussi vite que mes petites jambes me le permettent. C'est la première fois que je suis heureux d'avoir pris l'habitude de courir sept kilomètres tous les matins.

Du feu. Donc 3. Non, 1, puisque... 1 ou 3 ?

Imbécile, imbécile, imbécile... Je continue de courir, tout en essayant de me sortir la voix de Maya de la tête. 1.1... Ou 1.3... Je sens mes pieds buter contre une marche et je manque de m'étaler dans l'escalier. Je monte quelques marches, songeant déjà à me terrer dans une chambre de l'hôtel – s'il en reste – mais l'escalier ne mène à rien. Une surface plane, qui s'érige en sorte de mur, m'empêche d'aller plus loin.

Aliens & CompagnieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant