11. Le désespoir, ami du corbeau

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11. Le désespoir, ami du corbeau

LUNDI 23 FÉVRIER

... Harry Stewart. Le fils du berger de Brastlyn, et ma bête noire du moment. 

Il ne peut pas s'occuper de ses brebis, au lieu de poser ses sales pattes sur Connor ?

— Kyo !

Merde.

Merde. Merde. Merde.

Si Wood junior croit que je vais lever la tête et l'observer se bidonner avec son nouveau meilleur pote, il se fourre le doigt dans l'œil. 

Tremblante de rage, je retourne mon sac à la recherche de mes écouteurs. 

Ils n'ont pas un DS de philo à passer, eux aussi ?

Putain. Pourquoi ces choses-là n'arrivent qu'à moi ?

— Eh, meuf ! Connor veut te causer, ânonne Harry en tapotant ma tête de ses grosses mains velues. 

Heure du décès : 14h55. Cause : intoxication capillaire.

Paix à ton âme... ou à celle de ton cuir chevelu.

— J'ai rien à lui dire, bougonné-je en m'éloignant du banc.

— Tu crois pas que tu lui dois une explication ?

Mais de quoi il se mêle, celui-là ?

— Et toi, Harry ? Tu crois pas que t'as autre chose à faire, comme... je ne sais pas, moi... te planquer avant qu'un pion te grille en train de sécher ?

Touché ! Stewart prend la mouche. Avant de se planquer sous l'arbre le plus proche, il m'agrippe fermement le bras pour me faire comprendre que je ne fais pas le poids, face à lui. 

Il a sans doute raison, sauf que ce guignol a une faiblesse que je n'ai pas : une paire de couilles dans laquelle je n'hésiterai pas à frapper, si nécessaire.

— Laisse tomber, mec. Moi non plus, j'ai rien à lui dire, rétorque mon ex en le forçant à reculer.

Ça, c'est mon Connor ! Placide, arrangeant et super trouillard. 

Il entraîne Harry à l'écart, et je peux enfin respirer sans risquer de me prendre un poing en pleine figure.

— Connor ? m'écrié-je pourtant avant de le voir disparaître de mon champ de vision.

— Ouais ?

— Je suis désolée.

Il s'arrête et, l'espace d'un instant, je me prends à espérer qu'une amitié soit encore possible entre nous.

— C'est cool, Kyo. Vraiment. Mais j'en ai rien à foutre.

Aïe. Ça pique. 

Même si je m'y étais préparée, je ne pensais pas que le retour à la réalité me ferait aussi mal.

Et dire que Connor m'apostrophait à longueur de journée, il y a encore quelques jours... Je suis tellement désarçonnée par son silence brutal que je sursaute lorsque le bus se gare devant le lycée. Il est en retard, comme d'habitude, mais je me contente de marmotter un « bonjour » à l'attention du chauffeur avant de m'engouffrer à l'intérieur.

Sur le trajet, je pianote sur mon téléphone pour éviter les regards inquisiteurs des collégiens, et les moues indignés des lycéens – la rumeur de ma séparation s'est déjà bien propagée, à Brastlyn High. Ce n'est plus qu'une question d'heures avant qu'ils ne me prennent pour une connasse, maintenant – et ils auront bien raison.

Qu'est-ce qui m'a pris, de casser avec Connor ? 

Il était mon garde-fou, ma bouée de sauvetage, mon ami. 

Après avoir lâché un long et profond soupir de frustration, je me perds sur Instagram. Je ne m'y suis pas connectée du week-end ; pourtant, j'ai deux likes. En parcourant mes publications, je m'arrête sur la photo la plus récente. Elle a été mise en ligne dans la nuit de vendredi à samedi, et est accompagnée d'une légende encore plus mystérieuse que l'heure de mon post :

« Ses iris écarlates, mes joues incandescentes,

L'ombre disparaît, mais son souvenir me hante,

Le jour, la nuit, peu importe qu'il neige ou qu'il vente,

Sans elle, je suis totalement inconsciente. »

Depuis quand je m'essaie à la poésie, moi ? 

Alors que j'essaie de donner du sens à ces vers, le conducteur freine brusquement, et je suis propulsée contre le siège avant.

— Saleté de corbeau !

Un corbeau à Brastlyn ? C'est étonnant. On est plus habitué aux pigeons, par ici. Cet oiseau a dû s'égarer. Il n'aurait jamais heurté le pare-brise, autrement.

L'incident s'est produit à une dizaine de mètres de chez moi. Ses pupilles sont gorgées de sang – la faute à une hémorragie interne, peut-être. Putain. Je ne suis pas superstitieuse, mais tout de même... Il faut peut-être y voir une manifestation concrète de mon mal-être. La poisse à l'état pur, un truc dans le genre...

Heureusement, j'ai la maison pour moi toute seule, ce soir. Prya est encore en réunion, et comme toujours, Michael s'est proposé pour faire des heures sup'. 

Mais j'ai beau me retrouver enfin seule avec mes pensées, je ne parviens pas à trouver le sommeil. 

💫💫💫

Le lendemain matin, j'achève mes devoirs avec les yeux rouges et la gorge enrouée. J'ai à peine le temps d'avaler mon petit-déjeuner que Prya me sermonne depuis la porte d'entrée :

— Dépêche-toi, Kyoko ! Si je suis en retard au boulot, tu iras à pied au lycée, mercredi.

Je sais que je ne suis pas très loquace, à cette heure-ci, mais il faut me laisser le temps d'émerger un peu !

— J'arrive, deux secon... Putain, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

 Putain, mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?

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Qu'est-ce qui vient de se passer ? 😨

Vous aimez les corbeaux ? Quelle est votre espèce d'oiseau préférée ? J'avoue que j'ai un faible pour les inséparables... 

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant