45. Une copie pas si blanche que ça

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45. Une copie pas si blanche que ça

MERCREDI 4 MARS

Il faut trois problèmes de maths et un exercice de chimie pour que le sommeil me gagne enfin, sans que je ne parvienne réellement à dormir. Toute la nuit, j'oscille entre rêve et réalité. J'ai la sensation qu'un démon massacre mon crâne à coups de poignard. Des flashs, des bribes de souvenirs se superposent les uns aux autres, comme autant de débris morcelant mon âme.

Je suis prise au piège d'un vortex de cauchemars – les miens, réels ou passés –, sans assurance que ma mémoire fragmentée me laissera me rappeler, une fois que je serai réveillée.

Une photo se découpe d'un article de presse. Elle n'a rien de remarquable. Tout juste est-elle digne de se retrouver dans un journal. Des cendres, de la poussière, des parois à demi calcinées... voilà ce qu'elle montre. Rien de bien fascinant, rien qui ne devrait me troubler à ce point.

Une douleur sourde se propage dans tout mon corps, et un cri strident me vrille les tympans. Je me mords la lèvre pour ne pas hurler, et une larme de sang roule sur mon menton.

Le bout de papier se recroqueville sur lui-même et s'arrondit, illuminé par un teint diaphane et des lèvres aux reflets carmin : un visage. Le sien. Elle me sourit et, l'espace d'un instant, ses yeux gris s'ancrent dans les miens. Mes mains se tendent vers ses iris enflammés, mais rien n'y fait : la vision s'évapore, et le visage se noie dans les méandres de mes pensées.

Alors que je m'y accroche de toutes mes forces, une terrible chaleur envahit mes muscles. Chaque cellule de ma peau, chaque organe, chaque nerf se consume sous le poids des souvenirs. La Mort me brûle tel un brasier. 

Des yeux rouges de sang, des flammes ardentes et une odeur de putréfaction s'emparent de mon être. Une brise d'avertissement, une malédiction inconsciente et les affres de la passion s'impriment dans ma chair. Un aperçu des Enfers – les vrais.

Alors que je me tords de douleur sur mon matelas, des volutes de fumée m'entourent, empêchant quiconque de me secourir.

Plus la peine me ravage, et plus mon esprit se clarifie, devenant plus lucide qu'il ne l'a jamais été : le corbeau, Draculette, l'homme brûlé, la piaule, l'agresseur... Tout me revient. À mesure que mon calvaire se poursuit, je me remémore des éclats, des débris oubliés. Bientôt, le puzzle s'assemble, tout prend sens. Je remonte jusqu'à ma vie à Tokyo, jusqu'au meurtre de mes...

— KYO !

Une voix m'arrache à mes lamentations, tel Orphée guidant Eurydice hors du royaume d'Hadès. Elle m'hypnotise, m'ensorcelle. J'ai beau lutter de tout mon cœur, je suis trop faible pour y résister.

J'y suis presque, pourtant. Encore quelques secondes, et je saurai tout ! Quelques secondes... juste quelques secondes...

Mais deux bras se glissent sous mes aisselles et me sortent du lit, m'interdisant de replonger dans les cendres de mon passé... consumées.

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant