57. Les dragons ne sont pas les seuls à cracher du feu

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57. Les dragons ne sont pas les seuls à cracher du feu

SAMEDI 14 MARS

C'est Tanya.

C'est Tanya, mais ça ne l'est pas. Dans mon souvenir, sa peau était lisse, pure, noire, sans aucune crevasse ou engelure pour l'abîmer. Ses lèvres charnues, pas gercées. Son regard perçant, pas voilé. Aujourd'hui, elle semble... possédée. Possédée, ouais. C'est le mot, celui qui explique pourquoi un hurlement de terreur s'échappe de mes lèvres lorsque je réalise que ma camarade de classe est habitée par une horreur sans nom.

— Qu'est-ce que...

Mon rythme cardiaque recommence à s'emballer, sans que je ne pense à le contrôler. Comment le pourrais-je, alors que tout ce que je vois, ce sont les mains gelées de Tanya ?

— Elle est morte, Kyoko, m'informe Orphée d'un ton catégorique, sans aucune pitié pour l'amie de Caroline. Ta stupeur l'a suffisamment effrayée pour la retarder, mais elle nous suit encore. Elle risque de nous rattraper.

— Mais non ! Elle a la crève, c'est tout ! Elle ne peut pas être...

Un autre coup de volant m'interrompt ; je dois me cramponner à mon siège pour ne pas gerber.

— Désolée. Il va falloir accélérer la cadence, si on veut la devancer.

Je reste interdite, trop sonnée pour réagir. Les rues défilent dans la nuit, et les étoiles se mêlent aux flocons qui obstruent le pare-brise de la Ford. J'inspire et expire à allure régulière pour qu'Orphée ne soit pas contrainte de s'arrêter, mais c'est difficile de s'autoréguler quand l'ignorance décuple votre angoisse.

— C'était ça, les « ennemis » dont tu parlais tout à l'heure ?

— Oui.

— Est-ce que tu te sens capable de rouler en m'expliquant ce qu'est devenue Tanya ? Ses potes la croient malade, pas...

— Morte, complète-t-elle. J'ai conscience que c'est difficile à encaisser, mais il va falloir que tu te fasses une raison. Ta survie en dépend.

— La tienne aussi, marmonné-je en tirant sur les manches de mon pull dans l'espoir d'y trouver un peu de chaleur.

En me voyant me démener avec ma veste, Orphée me tend son blouson et pose ses doigts sur mon bras. Ma peau tiédit instantanément et je me tourne vers elle, stupéfaite.

— Toi non plus, tu n'es pas humaine.

— Je n'ai jamais dit le contraire, raille-t-elle en pressant encore davantage l'accélérateur.

— Comment ça se fait que tu sois un chauffage ambulant ?

J'essaie de passer en revue les créatures possédant des caractéristiques associées à une forte chaleur corporelle, mais peu de choses me viennent en tête, à part les loups-garous...

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant