65. Supprimer les malheurs, c'est laisser place au bonheur

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65. Supprimer les malheurs, c'est laisser place au bonheur

VENDREDI 27 MARS

— Orphée...

Le murmure s'échappe de mes lèvres à l'instant où elle me soulève du sol, m'enveloppant d'une chaleur réconfortante. Mes doigts, mes mains, mes bras sont toujours aussi brûlants, mais la douleur s'évapore à son contact, préférant son toucher à l'air qui consume ma peau.

— Orphée...

Seul le bruit des vagues me parvient. Mes yeux s'entrouvrent légèrement, et j'aperçois le visage de ma sauveuse. Une cicatrice aux reflets bleus recouvre son front, vestige de son combat avec un monstre. Encore un.

— Orphée...

Cette fois, son regard s'accroche au mien, toujours aussi vivant, toujours aussi... transcendant. Elle commence à chanter, si faiblement que je doute un instant que les notes de musique proviennent d'elle. Mes paupières, de plus en plus lourdes, se referment, et je sombre dans...

— NON !

Mon corps se débat de toutes ses forces, refusant de se soumettre aux ténèbres, à l'ignorance. Ébahie, Orphée échoue à me rattraper et je retombe sur le sol, manquant de retourner à l'état d'inconscience dans lequel elle veut me faire replonger. Malgré mes blessures éparses au bras, ma chute ne me fait pas le moindre mal. La douleur est anesthésiée.

— Orphée... s'il te plaît.

Elle s'accroupit face à moi, un sourire mi-intrigué, mi-inquiet se dessinant sur ses lèvres grenat. Ses pupilles brillent de surprise – elle se demande sans doute comment j'ai pu résister à son emprise soporifique.

— Tu es quoi ? grommelé-je, comatant encore. Un somnifère ambulant ?

— Tout serait tellement plus simple si tu avais raison...

Son rire cristallin résonne dans la nuit, plus doux, plus pur que n'importe quelle autre mélodie. Elle replace soigneusement l'une de mes mèches brunes derrière mon oreille, perdue dans ses pensées.

— Tu as du sable dans les cheveux, déclare-t-elle enfin, comme si cette phrase suffisait à tout expliquer.

— C'est tout ce que tu trouves à dire ? craché-je entre deux quintes de toux.

Si j'avais su, j'aurais avalé les pilules, au lieu de boiter à ses côtés, gelée, forcée de poursuivre notre jeu de dupes. L'agonie m'aurait paru plus supportable.

— Crois-moi, Kyoko : il vaut mieux que tu m'oublies.

— Non.

— Non ?

— Non.

Elle reste interdite un long moment, sans savoir comment réagir. À quoi pense-t-elle ? Que traduisent ses traits tirés et ses poings serrés ? Attachées l'une à l'autre, Orphée et moi semblons perdues dans un labyrinthe, un enchevêtrement de maux et de sentiments dont nous peinons à nous défaire. Mes membres se réchauffent à son contact, mais le souvenir du bleu colorant mes veines et de mes os brûlant sous un blizzard ardent, lui, reste gravé dans ma chair.

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant