100. Une vie en apnée, une éternité pour sombrer

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100. Une vie en apnée, une éternité pour sombrer

MARDI 4 AOÛT

Orphée ne crèvera pas, bien sûr. Ce serait idéal, mais... elle est immortelle.

Heureusement, son enveloppe reste charnelle, et elle ne peut décemment pas se remettre en quelques secondes d'une dizaine de blessures.

La Bugatti d'Echid est hors service, et aucune des deux Maudites ne peut m'arrêter. Je ne sais pas combien de temps elles vont rester mortes, pétrifiées – comme toujours, j'ignore le nom qui convient le mieux –, alors je fonce, je cours à en perdre haleine. Ce n'est que lorsque j'arrive près de l'eau, à bout de souffle, que je prends conscience des extrémités derrière lesquelles Orphée m'a forcée à me retrancher. De nous trois, c'est bien moi la plus maudite. J'ai été condamnée à la seconde où elle a posé ses yeux de feu sur moi, la première fois, alors que mon père venait de s'éteindre et que ma mère luttait pour me sauver.

Une sonnerie de téléphone me tire de mes pensées. C'est Fix You, de Coldplay. Évidemment. Orphée ne peut peut-être pas se précipiter sur moi dans l'instant, mais elle est déjà en état de composer mon numéro et de m'appeler. Je vais devoir me grouiller. On pourrait y voir un signe du destin ou de la déesse des Potatoes, mais c'est la preuve que je ne peux – je ne dois – pas ciller. Même aux portes de ma mort, mon Hadès personnel ne m'accorde pas une seconde d'hésitation.

Merde. Ma vie a toujours été putain d'injuste.

Mais mon enquête est résolue, et il est grand temps de classer le dossier. L'archiver. Le noyer. À flots et à sangs.

La seule échappatoire que je puisse trouver à Orphée, c'est la mort. Si elle a combattu tous les monstres, affronté toutes mes peurs pour me garder en vie, ce n'est pas parce qu'elle m'aime : c'est parce qu'elle s'est nourrie de mes maux, inlassablement, jusqu'à me rendre totalement apathique.

Suicidaire, pourrait-on dire.

Sans plus rien espérer, déjà morte à l'intérieur, je me débarrasse de mon sweat préféré, dépitée. Il s'échoue sur le sable mouillé tandis que je détache soigneusement les lacets de mes chaussures, des Dr. Martens que je n'ai pas portées depuis des semaines, des mois peut-être. Je les retire avec la même indifférence et enlève les chaussettes bleu marine que Prya m'a offertes à Noël, comme si elles ne représentaient rien de plus que le triste reflet de mes pensées. Je me débarrasse de mon jean, aussi troué que mon âme, et serre fermement mon portable contre moi.

Je ne suis plus vêtue que d'un T-shirt blanc et d'une simple culotte, désormais, mais j'ai beau être presque entièrement nue, aucun rayon, aucun laser ne pourra effacer la marque qu'Orphée a inscrite dans ma chair.

Je n'ai pas envie de mourir, mais c'est la seule option qui se présente à moi : la meilleure, et la pire. La meilleure, car pour la première fois en plus de trois ans de deuil, j'ai retrouvé espoir. La pire, parce qu'il y a une chose qu'Orphée ne pourra jamais me faire oublier, et que ses crimes – même les plus atroces – ne pourront effacer : l'amour que j'ai pour elle.

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant