17. Fenêtre ouverte sur son monde

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17. Fenêtre ouverte sur son monde

MARDI 24 FÉVRIER

Après avoir planché sur un bon vieux problème de maths, je décide de m'accorder quelques minutes de répit. Même si ça ne fait qu'une heure que je suis rentrée, j'ai désespérément besoin d'air. Je sature. J'étouffe, même.

Je m'adosse au rebord de la fenêtre et laisse ma jambe se balancer dans le vide, telle une funambule en déséquilibre constant.

Ce n'est pas que je déteste ma chambre, mais me retrouver dehors me procure toujours une intense sensation de liberté, comme si j'étais un petit oiseau qu'on sortait de sa cage pour lui apprendre à voler. 

J'ai beau critiquer Brastlyn à longueur de journée, son ciel est toujours incroyable quand vient le crépuscule : des nuances de rouge et de jaune se confondent à l'horizon, laissant la place aux étoiles et aux rêves, aussi beaux qu'inaccessibles.

En attendant que le dîner soit servi, je profite du coucher de soleil pour publier une nouvelle photo sur mon compte Instagram, accompagnée d'une légende mystérieuse que seule une personne pourrait comprendre : l'inconnu de tout à l'heure.

Celui qui m'a évité une mort certaine. Celui que je veux remercier et engueuler tout à la fois.

La nuit s'éveille, le jour se meurt,

La vie s'éteint, le soleil prend peur.

Bientôt, un vide dans leurs cœurs.

Absents, défunts... Dormez : il est l'heure.

Mais les mots ne m'aident pas, aujourd'hui. Même si j'essaie d'en faire abstraction, le sentiment de culpabilité qui m'anime depuis l'accident me retourne l'estomac.

Était-ce vraiment un accident, d'ailleurs ? J'ai beau repasser encore et encore ces images dans ma tête, je ne vois pas comment ni pourquoi tout ça est arrivé. D'un point de vue rationnel, une seule issue était possible : mon suicide prématuré. Si je suis encore de ce monde, c'est donc pour une bonne raison. Pas parce que quelqu'un là-haut a appuyé sur le mauvais bouton. 

Dans tous les cas, pas question de me laisser abattre parce que j'ai perdu mon seul ami aux États-Unis.

Non, je ne vais pas autoriser Harry Stewart à me traîner dans la boue comme si je n'étais rien d'autre qu'un vulgaire sac de pommes de terre dont on n'a que faire.

Non, je ne vais pas me comporter en petite fille bien lisse et disciplinée pour le seul plaisir d'adultes qui ne prennent même pas la peine de s'intéresser à celle que je suis réellement.

Non, je ne...

— Tu dois être un peu perchée, toi aussi, pour te retrouver à quatre mètres au-dessus du sol, commente une voix depuis la pelouse. Rassure-moi : tu as conscience que si tu tombais, tu pourrais... mourir ?

OK. Là, ça devient carrément flippant.

— Qu'est-ce que tu fous ici ? pesté-je en me retranchant à l'intérieur, soucieuse et intriguée de trouver O-machin-truc cachée derrière un buisson de rhododendrons.

Prya la tuerait, si elle la voyait là, pliée de rire au milieu de ses plantes adorées.

— À moins que ce soit ce que tu désires, bien sûr, poursuit-elle, toujours aussi sarcastique.

Elle déconne, là !

— Qu'est-ce qui t'arrive ? raillé-je. Tu es encore tombée en panne ?

Cette fois, aucune réponse ne me parvient. Je commence à me demander si elle n'est pas partie, lorsqu'un craquement de brindilles se fait entendre sous ma chambre... pile en face de la fenêtre du salon.

— Ça va pas, ou quoi ? Dégage d'ici tout de suite !

Si elle ne se barre pas dans les trente prochaines secondes, je ne donne pas cher de ma peau. Pour qui elle se prend, avec son pantalon à carreaux et son perfecto à clous ? Avoir du style ne l'autorise pas à venir me harceler jusqu'à chez moi !

— Eh, oh ! Tu m'entends ?

— Je ne te remercie pas ! me crie-t-elle d'en bas. À cause de toi, je vais avoir la chanson des sept nains dans la tête toute la soirée. Heeeigh-hooo ! Heigh-ho, heigh-ho, on rentre du boulot !

Putain, dites-moi que je rêve.

— Tu es bourrée ?

— Il n'est pas un peu tôt pour ça ? 

— Probablement, murmuré-je pour moi-même, réfléchissant à la façon dont je vais couper court à cet échange foireux.

Ou le poursuivre à l'abri des regards indiscrets, à commencer par ceux de mes voisins. 

Je leur adresse un doigt d'honneur, exaspérée, tandis qu'un nouveau fou rire s'élève depuis les fourrés. Je referme la fenêtre, dépitée. Je ne sais pas ce qu'O-machin-truc me veut, mais à cause d'elle, mes quelques instants de tranquillité viennent tout juste de partir en fumée. 

Merde. Je vais finir par imploser, si on ne me laisse pas un peu respirer !

Malgré ma mauvaise humeur, je ne peux m'empêcher de jeter un œil à l'extérieur. La brunette est toujours là, à attendre que je lui ouvre pour... je ne sais pas quoi, exactement, mais je mentirais si je disais que je n'étais pas tentée de la suivre. 

Elle semble n'avoir aucune limite, aucun interdit, et je ressens soudain le besoin de m'abandonner à une euphorie dont je me suis toujours privée. 

Ma curiosité est bien trop forte pour que j'y résiste plus longtemps. Je m'approche de la vitre et me prépare à sauter, tomber, glisser ou les trois à la fois, lorsque...

— KYOKO ! ON MANGE !

Waouh. S'il y a bien une chose que je ne peux pas reprocher à Prya, c'est son sens du timing

Elle vient tout juste de m'empêcher de commettre une énorme erreur.

En es-tu sûre ?

Pas le moins du monde. 

C'est ce qu'on appelle être sauvée par le gong ! À quoi O-machin-truc joue-t-elle, en se pointant chez Kyo sans y avoir été invitée ? 

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C'est ce qu'on appelle être sauvée par le gong ! À quoi O-machin-truc joue-t-elle, en se pointant chez Kyo sans y avoir été invitée ? 

À votre avis, Michael et Prya vont la repérer ? 

– C'est sûr ! 🤣

– Mais non ! 🙃

MAUX DITSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant