Chapitre 8

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Le froid.

Le sang se change en glace.

Les milliers d'aiguilles gelées qui s'abattent sur la peau.

Opale rouvrit les yeux, tremblante. Elle sentait, tout autour delle, un étau de glace, qui emprisonnait sa gorge. Elle se força à se relever, et enleva la neige de sa tenue. La nouvelle regarda tout autour d'elle, perdue : quand elle avait quitté le camp, le temps Roux gouvernait la forêt.

Mais aujourd'hui, le blanc s'était abattu sur l'Est. Les feuillages drus n'avaient pas pu stopper tous les flocons, qui inondaient le sous-bois. Opale s'approcha d'un immense arbre : le givre dessinait des arabesques fines sur l'écorce sombre. Peu à peu, elle comprit qu'elle nétait pas dans le camp, ni même dans les terres fertiles : ces branches basses, cette obscurité, ces feuilles au formes crochues, ces bosquets noirs, cette vie n'appartenaient qu'aux Terres des anciens.

Opale frissonna, à la fois à cause du froid et de la peur : cette forêt interminable ne lui avait pas vraiment manquée.

- Elfe, pousse-toi ! hurla quelqu'un, déchirant le silence nacré.

La nouvelle se retourna, et réagit trop tard : déchirant la végétation, un monstre à quatre pattes bondit sur elle. Incapable de réagir, Opale détailla sa mort, pétrifiée : un pelage gris tacheté de roux, une collerette de plumes, une tête et des pattes écailleuses. La mâchoire du prédateur, dégoulinante de bave, claqua à un centimètre de son visage.

Opale chuta lourdement dans la neige, et Laso se releva d'un coup. C'était le guerrier qui venait de l'écarter de la trajectoire du monstre. La nouvelle tenta d'imiter le guerrier, et d'échapper à la masse duveteuse, mais le froid aiguisé tétanisait ses muscles. Elle se mit à genoux, et, relevant les yeux, trembla deffroi : la bête revenait à la charge. Alors que l'animal allait se jeter au cou de Laso, de dos, trois choses simultanées se produisirent.

D'abord, Dagrielle apparut à quelques brasses, accompagnée de Lethos.

Ensuite, Opale poussa un cri, à la fois terrifiée et impuissante.

Enfin, Laso se retourna, et, dans un geste fluide et parfaitement contrôlé, il sauta au-dessus du monstre. Sa lame dansa, et le hurlement de la bête fut le dernier son du combat.

La nouvelle resta coite, face à ce qui paraissait être une hallucination. La force de la nature, affamée, qui avait bondit sur elle, gisant au sol, abattue d'un simple coup de dague ? Impossible !

- Bien, Laso. Allons-y, nous avons peu de temps, intervint la Flamme.

Le guerrier attrapa la main d'Opale, et l'aida à se relever. Aucune émotion ne brûlait dans son regard écarlate, comme si le froid ambiant avait glacé ses yeux.

Dagrielle, indifférente à l'incident, prit la tête de la marche. La nouvelle observa la Flamme, la chef des Autres. Elle semblait si différente de celle qui l'avait interrogée dans sa tente, si ...

Si déterminée.

Le Temp Blanc rendit leur marche plus laborieuse et longue. Les Terres des Anciens ne réservèrent aucune autre attaque, et ce furent fatigués mais alertes qu'ils atteignirent la Frontière. La bande de roches jaunes était elle aussi couverte par la neige, camouflant les rochers tranchants qui composaient l'entre-deux.

Le groupe avança prudemment, et personne ne se blessa, même si Héra avait chuté à un moment donné. La barrière apparut comme un soulagement, et Dagrielle ouvrit le passage. Elle resta immobile quelques instants, paume ouverte contre la surface invisible, un sourire apaisé sur les lèvres. La marque qui dansait sur son front semblait presque lumineuse.

SphérianneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant