Chapitre 25

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L'interrogation.

La question qui reste en suspens.

Les regards qui se croisent, l'attente de la réponse.

L'adolescente poussa un soupir, puis descendit du furane. Elle jeta un regarde vers Caiyo, affairée à remplir les gourdes.

- Il y a quelque chose de très simple sur Liyol, d'élémentaire.

Bel se pencha au pied du furane, et commença à creuser la neige à l'aide d'une branche.

- Cette règle est simple : la magie ne peut rien créer. C'est une interaction, un échange avec le monde. On ne peut imposer quelque chose à l'univers par la magie.

L'Autre s'arrêta, déterrant quelques noix rassemblées sous le furane. Il s'agissait d'une réserve de rongeur inoffensif, qui avait caché là sa nourriture à l'aube du Temps Blanc. Opale éprouva une légère tristesse pour l'animal, privé de sa nourriture ; mais cet élan d'empathie s'éteignit alors que la voix de Bel résonnait une nouvelle fois.

- Tu crées, Opale. Et malgré toute mon amitié, je ne peux m'empêcher ... Je trouve cela répugnant, ne m'en veux pas, c'est dans mon éducation.

L'elfe écarquilla les yeux, interloquée par cette affirmation, et surtout, par le ressenti de Bel. Répugnant Caiyo le lui avait déjà dit, lorsqu'elle avait activé le portail, dans cette grotte : à croire que sa magie n'attirait que l'antipathie.

- Moi aussi, j'ai une question. Tu vois, c'est impossible de posséder un don de création, seuls Sanje et Chokwadi le peuvent. Alors, je te le demande : d'où tiens-tu cette magie ?

Toute trace de gentillesse avait déserté le visage de Bel. Elle ne voulait pas de sujets évasifs, ou de métaphores futiles : l'adolescente désirait une réponse, quelque chose de solide, d'indéniable. Opale était du côté des elfes, soit. Elle était une Autre ayant trahi leur camp, peu importait. Mais sa magie n'avait qu'une explication, et, par son sang de Rêveuse, Bel ne pourrait la tolérer. Pourtant, elle devait l'entendre de sa bouche, elle en ressentait le besoin.

Il fallait qu'Opale soit de confiance.

L'elfe ouvrit la bouche pour répondre, lorsqu'une voix résonna dans le silence.

- C'est bon, j'ai rempli les gourdes ! Vous allez bien ?

Opale poussa un léger soupir soulagé, et courut presque jusqu'à Caiyo.

- Oui, il n'y a pas de soucis.

- Tu as repris des couleurs, c'est une bonne chose !

Bel regarda les deux elfes, l'une respirant d'espoir, la seconde, étrangement tremblante, comme si elle venait d'échapper à l'épée de Damoclès. L'adolescente observa cette scène quelques instants, triste et déçue.

- Vous n'avez qu'à manger, je reviens.

Opale resta dos tourné à l'Autre, mais Caiyo se pencha, un air entendu au visage.

- On t'attend.

Les deux femmes s'assirent au pied du furane, et examinèrent les globes ocres. Opale tenta d'en enlever la peau, mais elle était solide contre de la pierre. Elle créa un petit bloc compact, l'abatant sur l'enveloppe ; elle ne parvint à engendrer qu'une fissure.

Caiyo grimpa à l'arbre, maladroitement, jusqu'à se tenir à deux brasses au-dessus du sol. Puis elle lâcha le fruit, dont la carapace éclata en heurtant le sol, révélant une chaire rosée. Opale l'imita, et elles dégustèrent les fruits, un rien amers mais néanmoins nourrissants.

Bel revint rapidement, et se nourrit en silence, jetant sans cesse des coups d'oeil à Opale. Celle-ci, mal à l'aise, faisait mine de ne pas les percevoir. Caiyo ne se rendait compte de rien, et s'éloigna aussi quelques instants.

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