L'effroi.
La nuque qui gèle.
La compréhension qui traverse le corps d'une onde glacée.
Opale agrippa les cordes, cherchant le meilleur moyen pour les détacher. Seulement, c'était Bel qui les avait nouées, et elle seule connaissait les mécanismes des nuds coulants entourant l'elfe. Celle-ci se concentra, légèrement reposée, elle parvint à faire naitre une larme aiguisée avec ses paumes, à peine plus grande qu'un ongle. Opale la saisit, et prit une corde. Si le seul moyen d'aller aider Caiyo résidait dans le sacrifice de leur matériel, alors elle devait ...
- Plus un geste !
La femme sursauta, lâchant l'arme.
- Arrête de jouer les héroïnes ! J'y vais, moi ! Et cette corde, c'est notre plus précieux bien, tu n'as pas idée des choses qui rôdent là-dessous !
L'adolescente désigna le sol, le regard furieux.
- Quoi qu'il arrive, tu ne bouges pas, et tu gardes le sac !
Bel lança la besace de toile à Opale, qui la réceptionna maladroitement. L'autre enroula sa main autour de certaines cordes, et l'elfe ressentit un relâchement sur le réseau.
- Si tu coupes la corde, tu tombes !
Avant que l'elfe ne puisse dire quoi que ce soit, l'adolescente se laissait chuter au sol, se raccrochant aux branches in extremis.
- Bel ! hurla Opale.
La tâche flamboyante des cheveux de l'Autre fut aussitôt ballotée dans le vent, mais au lieu de renoncer, l'adolescente se plongea dans la tempête.
- Revient ! Bel ! Bel !
Seule la tempête lui répondit.
*
C'est en ouvrant les paupières qu'Opale découvrit qu'elle avait finit par s'endormir.
Elle déglutit, et se redressa, parcourue de courbatures. Sa gorge était sèche.
- Bel ? tenta-t-elle.
Un appel inaudible pour la concernée. L'elfe soupira, abattue ; elle savait les terres des Anciens mortelles, mais elle ne pensait pas perdre deux coéquipières ainsi.
Tout était allé si vite ... Elle avait été incapable de réagir, clouée aux branches par le cordage de Bel. Son pouvoir n'avait pas été assez puissant pour créer une plateforme sous ses pieds ; contrainte de rester à l'abri, Opale n'avait rien pu faire pour les rechercher.
Sans beaucoup d'espoir, la femme regarda autour d'elle : évidemment, aucune des deux n'étaient revenues.
La tempête s'était tue, et Opale discernait entre les branches un ciel bleu glace. Le froid était terrible, mais le furane et un drap avait permis à la femme de survivre. Elle avait déduit que l'arbre n'en était pas vraiment un ; il devait s'agir d'un animal, où au moins d'un être vivant à mi-chemin entre les deux. Son corps stockait probablement la chaleur au temps Blond, et la rejetait au temps Blanc, peut-être afin de demeurer à une température essentielle à sa survie ...
Cherchant à penser à autre chose qu'à cette perte, l'elfe observa les cordes nouées à l'arbre. Elle saisit le sac, accroché au réseau, et en vérifia le contenu : un second drap, un fin stylet, et quelques pains, ainsi qu'une outre. La femme saisit un moignon et l'eau, guidée par son instinct plus que par sa volonté.
Elle se sentait comme dans les cellules glaciales du Refuge, perdue, enfermée dans une bulle pour ne pas affronter la réalité. Une sphère qu'elle avait elle-même créée, pour se protéger de ce que la vie venait de lui prendre.

VOUS LISEZ
Sphérianne
Фэнтези"Seul le feu éclairera notre aube. Seul le sang épanchera notre soif. Seule la mort nous fermera les yeux." Depuis un millénaire, deux peuples mènent une guerre sans merci à la surface de leur terre, Liyol, pour le contrôle de celle-ci. Les Evara...