Chapitre 24

11 4 1
                                    

La braise.

Le regard qui brûle.

La vision qui réduit en fumée la confiance.

Opale battit plusieurs fois des paupières, incapable de faire le moindre geste. Face à elle, une aura écarlate flottait au-dessus du sol. Incandescente, seuls ses traits étaient visibles, comme repassés au pinceau carmin. Les tissus volatiles de sa tenue, tout comme ses flamboyantes mèches, s'étiraient autour d'elle, comme en apesanteur.

Le spectre de Dagrielle écarquilla les yeux, mais ne dit pas un mot. L'elfe s'était ressaisie, et comprenait à présent que la Rêveuse avait stoppé le temps, comme ce jour-là, au-dessus du gouffre ; mais une chose clochait. Si elle voulait la retrouver, pourquoi la chef des Autres ne l'avait-elle pas pétrifiée, comme les deux autres filles ?

À cette pensée, Opale tourna la tête vers Caiyo. Figée, telle une statue, sa congénère était restée agenouillée, statufiée dans le temps. L'effroi parcourut l'elfe, s'imaginant ainsi, immobilisée, inconsciente. Elle devait faire diversion, et épuiser les forces de Dagrielle.

Opale ancra ses pupilles de nacre dans les iris incandescentes de l'Autre, prête à la provoquer. La peur lui nouait le ventre, elle ne savait que dire. Elle déglutit, et serra les poings, avant de déclarer d'une voix qu'elle espérait assurée :

- Dagrielle ... Yl da, krianis ...

Les deux femmes sursautèrent, et Opale sentit son souffle se couper. Elle n'avait pas voulu prononcer ces mots, dont elle ne comprenait même pas le sens, pourtant, c'est ce qu'elle avait fait. Son bras la démangea, et elle sentit que ses dires ne lui appartenaient plus. La panique monta en elle comme un ras de marée, elle chercha à tourner les talons et à fuir Ses pieds étaient ancrés au sol, et aucun de ses membres ne lui répondaient.

Dagrielle battit des paupières, son expression plongeant dans une tristesse infinie, illuminée d'espoir. Le spectre tendit la main vers Opale, des perlent écarlates s'échappant de ses yeux.

- Alwe ? Ono ...

L'elfe cria intérieurement, voyant son bras gauche, aux veines devenant blanches, se tendre vers la Rêveuse. Au lieu de recouvrir son sang, le nacre entoura sa main, comme un gant, et saisit le poignet de Dagrielle. Opale ne ressentait rien, ses doigts se rencontraient que le vide ; pourtant, la chose, elle, tenait contre sa paume l'immatérielle peau de la Chef des Autres.

Une tendresse infinie se dessina sur les traits de celle-ci, et elle amena les filaments de nacre à sa joue. Les larmes dévalaient ses paumettes transparentes.

- Krianis, yl da ...

- Dagrielle, yl una ioran ! Yn una tylan !

Opale sentit soudain le bout de ses doigts, très légèrement, comme une vague impression de sensibilité. Le coeur vibrant, de crainte et d'incompréhension, elle se concentra sur ce pont entre elle et son corps. Le contrôle sur son enveloppe revint, parcourant son bras droit, puis ses jambes.

Dagrielle écarquilla les yeux, la panique se dessinant sur ses traits.

- Alwe ! Re !

- To ... Tolker.

Opale eut soudain l'impression que la gravité retombait sur ses épaules, et, épouvantée par ce spectre, recula brutalement. L'entité s'était recluse dans sa paume, et les filaments de nacre s'effacèrent, comme un songe au réveil.

L'elfe demeura face à Dagrielle, dont les mains rapprochées semblaient encore tenir l'enveloppe nacrée.

- Alwe ?

SphérianneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant