Chapitre 12

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L'incompréhension.

L'oeil qui s'ouvre sur quelque chose d'irraisonné.

Le coeur qui accepte sans conditions quand la conscience cherche désespérément une logique.

Les paupières d'Opale papillonnèrent quelques secondes, alors qu'elle reprenait conscience de son corps. Sa main trouva sa tempe, alors que des acouphènes l'empêchait de s'ouvrir à son environnement.

Un frisson glacé la parcourut, et elle s'assit sur la roche gelée, réduisant le contact avec la pierre. Une chose glissa contre son dos, et elle comprit qu'il sagissait d'une couverture. Mais où était-elle tombée ?

Elle se concentra, cherchant à atteindre les rivages de sa mémoire, vers des terres qu'elle savait déjà avoir foulées. Opale se rapprochait, l'esprit devenu courant d'air, qui virevoltait au-dessus d'une mer sombre et inconsciente. Elle allait atteindre la rive ... Presque ... Encore quelques secondes ...

Les acouphènes cessèrent soudain, la ramenant violemment à la réalité. Elle perçut aussitôt des voix, à la fois proches et lointaines.

- Soeur ! Soeur, tu m'entends ?

Un timbre fluet, rapide, effrayé.

- Encore une razzia ... les sécurités auraient dues être renforcées !

Un son à la fois enragé et désespéré, semblable à une harpe désaccordée.

- Je les hais ! Je hais ces meurtriers ! Je hais les Autres !

Une vague rugissante, un roulement furieux et impétueux.

- Si vous n'êtes pas des Autres ... Qui êtes-vous ? murmura Opale.

Celle-ci releva la tête vers la source des trois bruits, perdue. Ses yeux rencontrèrent un amas de stupeur aux yeux bleu ciel, un bloc de mépris orné de prunelles rosées et une masse de rage emflammant des iris vertes.

La deuxième femme prit la parole, un air dédaigneux sur le visage.

- Il semblerait que nous nous soyons trompées.

- C'est une plaisanterie ?! s'énerva la troisième. Non seulement les Autres nous trainent dans la boue depuis toutes ses années, mais maintenant, ils envoient les leurs dans les cachots !

- Des cachots ? souffla Opale.

- Tout à fait. Bienvenu dans notre humble demeure, Autre.

La femme aux yeux rose cracha se dernier mot comme la pire des insultes, son visage refermé. La peur et les émotions que ses pupilles semblaient avoir abritées avaient disparu sous un masque froid et hautain.

- Non, arrête.

La première s'approcha lentement d'Opale, l'air méfiant mais aussi éploré. Une lueur d'espoir luisait néanmoins dans son regard, et elle s'accroupit devant les barreaux de roche qui scindaient la grotte en deux.

- Qu'est-ce qui vous est arrivé ?

- Je me le demande.

- Caiyo ! Arrête cette mascarade immédiatement ! Tu parles à l'une de ceux qui t'ont torturée depuis tout ce temps. Recule, elle n'est pas là par hasard !

Opale cligna des paupières, puis se focalisa sur l'instant. Elle se concentra sur une seule chose : prendre pleinement connaissance de son environnement et de ses interlocutrices.

L'Autre regarda tout autour d'elle, s'habituant peu à peu à l'obscurité ambiante. Elle se tenait assise dans une grotte à la surface sombre et bleutée, d'une forme vaguement circulaire. Une partie des « murs » semblaient lisses comme du verre ; l'autre était constituée de barreaux reliant avec irrégularité le sol à la voute basse. Une part des roches donnaient sur une seconde cellule, celle des trois filles, et la seconde, sur une sorte de couloirs, taillé dans la même matière.

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