Chapitre 6

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La haine.

Aveugle, brûlante, insatiable.

Celle qui dévore l'esprit et ne laisse quun champ de ruines.

Elle embrasa en un instant les yeux de celle qui se faisait appeler Flamme de l'espoir. Dagrielle eut soudain soif de mort, de vengeance. Elle voulut tuer, pour faire payer le prix des sourires de ces enfants, des regards de ces vieillards, des vies de ses frères et soeurs.

Mais elle se contint.

Car sa vengeance viendrait, amenée par son interlocutrice.

- Je ne sais pas pourquoi ils m'ont amenée à vous, finit par chuchoter Opale.

- Et qui es-tu ?

- Je ne peux pas vous le dire.

Dagrielle secoua la tête, retrouvant son calme aussi vite qu'elle ne l'avait perdu.

- Tu cherches à conserver le mystère qui plane autour de toi. Mais si tu veux rester parmi nous, tu dois tout dire.

- Alors je ne peux pas. Dagrielle, je ne peux pas vous dire ce que je suis. Je l'ai juré, et cette promesse a plus de valeur que ma vie.

- Tu as juré devant les elfes ?

- Les elfes ne m'ont rien apporté !

- Tu viens de dire qu'ils voulaient t'aider.

- Ils ont crû m'aider.

Dagrielle poussa un soupir fatigué. Elle n'atteindrait aucune information, cette femme suivait une logique qu'elle ne saisissait pas. Tenter de la comprendre et exiger des réponses ne fonctionnait pas avec elle. À chaque question, elle trouvait une réponse qui n'apportait rien.

- Opale, dans ce cas, peux-tu m'expliquer ce qui s'est passé à la surface ?

À la grande surprise de la Flamme, elle expliqua tout ce qui s'était déroulé avec clarté, sans omettre le moindre détail. La chef des Autres n'interrompait jamais un récit, elle attendit donc le terme de ses mots pour questionner la nouvelle :

- Héra t'a frappée sans raison ? Vraiment ?

- Oui. Il s'est arrêté en m'intimant de ne pas bouger, puis s'est retourné et m'a asséné un coup à la mâchoire.

Dagrielle fronça les sourcils, mais n'ajouta rien. Le caractère impulsif de l'assassin et cette situation l'avait sans doute mis hors de lui.

- J'en suis désolée.

Les deux femmes restèrent plongées dans leurs pensées, la première dans les conséquences de la perte du camp, et la seconde dans des méandres inconnus.

*

Les jours passèrent, et le Refuge devint la Cité des Autres. Le Conseil, formé de la Flamme, Lethos, Diane et Laso, détermina les règles dans cette situation. Ils assignèrent chaque Autre à un travail précis, cherchant à échapper à ce qui deviendrait leur tombe.

Opale fut de nouveau guidée par Bel. Leurs retrouvailles s'étaient faites dans un silence pesant, la jeune fille ayant été mise au courant de la nature de son amie. Puis les heures avaient eu raison de l'accident, et les deux Autres avaient renoués un lien complice. L'adolescente avait dévoilé à Opale le monde secret du Refuge : une caverne souterraine et autonome, alimentée en eau par les racines des arbres et les nappes phréatiques. Il avait été construit durant l'âge d'Or, où les elfes se terraient, dominés par l'armée des Rêveurs ; Sanje et ses guerriers avaient créé plusieurs bulles viables sous terre, en prévision de la Guerre. Le Refuge était le seul à avoir été retrouvé par Dagrielle, deux ans plus tôt.

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