Bakoulou*

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Chapitre 1

VALENCIA

Mon corps me semblait plus lourd que d'habitude , je mettais toute mon énergie à avancer, chaque pied devant un autre.  Anxieuse ? ce n'était qu'un lamentablement mot qui définissait faiblement le ressentiment que j'éprouvais à cet instant même. Chaque pas , chaque seconde , chaque minutes suivants , me conduiront indubitablement vers mon avenir , alors pourquoi ralentir ? La peur. Elle émergeait chaque membre de mon corps .

Je posai mes fesses sur le lit inconfortable qui était à peine capable de se tenir seul. Je la contemplai un instant , sur sa petite chaise en paille nettoyer le riz , cherchant par la même occasion les bon mots.

-Manman , mwen ta renmen pale avew .

(Maman , j'aimerais te parler.)

Après un bref instant, elle me regarda avec curiosité puis retourna à ses occupations.

-Ou met pale oui , menm siw we map triye , map tandew. Dit-elle

(Tu peux parler , même si je m'occupe du riz , je t'ecoute)

Comment ?  Je ne sais par quoi commencer . Comment aborder le sujet ? Je n'ai que dix-sept ans alors pourquoi ça me tombe dessus , mes frêles épaules ne peuvent supporter ce fardeau , comment celles de ma mère le pourront ?

Ma gorge se serrait , mon coeur ne demandait qu'à sortir de ma poitrine , je ne faisais qu'appréhender sa réaction. Elle n'a jamais été quelqu'un de colérique ou violente encore moins avec moi qui étais la benjamine. Après avoir tourner 7 fois ma langue, je commence en balbutiant.

-Manman, lâchai-je après un long soupir , mwen se dènye pitit ou , tout lot timoun yo fin chape , yo ale , yo kitem avew , e mwen konnen ke ou fè tout sa ki nan pouvwa ou pouw pran swenm malgre nou pa gen mwayen , e manman siw ta konn kijan mwen dezole.

( Maman , je suis ton dernier enfant , les autres ont fini par quitter la maison pour aller faire leur vie ailleurs, ils sont partis , ils m'ont laissée avec toi , et je suis consciente de tes sacrifices pour prendre soin de moi, malgré notre situation économique si médiocre , si tu savais comme je suis désolée)

Ses yeux noires , me scrutèrent avec tendresse , et mon coeur se ressera . Je n'y arriverai pas à le lui dire , pourtant il le fallait. Les rides gagnaient lentement sa peau , et contrairement à moi , elle avait perdu l'espoir de grossir . Certaines mèches prenait déjà la couleur grisonnante de la vieillesse et malgré les douleurs que lui infligeait son corps , elle restait courageuse et travailleuse , " pour moi"

-Pale avem , ou gon bagay ou bezwen dim? M'adressa t-elle avec tellement de douceur que mon âme s'attrista du choque que j'allais lui infligé.

(Parle moi , tu as quelque chose à me dire?)

-Manman padone'm . La suppliai-je sans pouvoir autant empêcher mes pleurs de naître.

(Pardonne moi maman)

À travers son regard , je pouvais lire le trouble que j'avais semé dans son esprit .Elle déposa son "laye" à ses pieds et se tourna face à moi , le regard compatissant. Je ne méritais pas ce regard , mes larmes se redoublèrent. J'aurais du , j'aurais du m'arrêter , ou établir mes limites. Mais je n'étais que la fille facile.

-Kisa kap trakasew konsa pitit mwen?

(Qu'est ce qui te tracasses autant mon enfant ?)

Ma pauvre mère ,  une simple explication , une simple phrase , de simple mots , allait la briser. Elle qui était si fragile du point de vue morale et physique , mais pourtant l'a toujours combattu , je n'ai pas pu hériter d'elle , de son courage , de sa rigeur  , non , moi j'étais lâche , stupide , imprudente et désintéressée par l'éducation.

Valeurs HaïtiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant