II- Faux espoirs

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« La vieillesse, c'est l'hiver pour les ignorants et le temps de la moisson pour les sages. » —
Inconnu

○∆○

   Les jours passants, nous sommes à présent aux dernières vacances de l'année. Le jour tant attendu arrive. Thomas va bientôt mourir. Je suis allée le voir il n'y a pas longtemps. Il lui reste juste le temps de profiter des fêtes de famille. Mais l'année prochaine, il ne sera plus là. C'est presque cruel de se dire qu'il ne connaîtra pas la nouvelle année. Pourtant, la vie est faite ainsi. Et je serais là pour l'accueillir. Dans ma tenue d'apparat. Plus les jours passent et plus je sens mes géniteurs se faire du souci pour moi. Ils savent très bien que la fin approche. Ils ont peur que je sois traumatisée. Mais ça ne risque pas. Je me suis décidée d'aller le voir une dernière fois après Noël. Lui aussi comprend. Ce genre de situation change les gens. Il n'y coupe pas non plus. Plus ouvert. Plus sérieux. Il m'a avoué avoir été amoureux de moi à une époque. Il en a ri avant de tousser. Je n'ai rien fais et je suis partie.

   Allongée sur mon lit, le regard dans le vague à porter mes mains sur mon ventre, je repense à lui. Il aurait été le meilleur pâtissier de la ville avant de s'exporter à l'étranger. Il aurait eu une belle femme et de merveilleux enfants. David et Anastasia. Le fils aurait eu son caractère pendant que sa fille aurait eu ses yeux. Je connais son avenir. Celui qu'il aurait pu avoir sans sa maladie. Je sais aussi qu'on serait restés en contact. J'aurais été la marraine de David. On aurait fait les quatre cent coups ensemble à faire pâlir son père. Mais rien ne doit se passer comme ça. Sans doute que ce n'est pas le moment pour lui d'accomplir sa destinée. Il faut attendre encore un peu. La prochaine fois, le prochain rendez-vous... À force de pensée à lui, je ne remarque même pas qu'au fur et à mesure de mes pensées, je sombre lentement dans le sommeil.

   À mon réveil pourtant, je me sens comme changé. Différente. En prêtant attention au monde qui m'entoure, je remarque rapidement que je ne suis pas dans ma chambre. Une respiration sifflante attire mon regard. À la lueur de la nuit, étendu paisiblement se trouve Thomas. Lorsque je m'approche, je remarque qu'il ne peut pas me voir. Je comprends alors. Son heure est arrivé. Il est bientôt... Alors je suis là en tant que Faucheuse ? Par acquis de conscience je regarde mes mains et les serres quand je suis face à l'évidence. Je soupire et m'approche finalement jusqu'à voir son visage. Il ne dort pas, il pleure en silence. Ces larmes qui coulent ne sont là que pour lui faire du mal. Garder la tête haute pour son âge ne lui sert à rien. C'est encore un enfant après tout non ? Du moins, pour moi. Avoir son âge ne peut le qualifier d'adulte. Il cherche encore les bras de sa mère et la protection de son père. Juste à quelques centimètres de lui, je penche la tête pour pouvoir apercevoir son visage dans sa globalité. Mais la minuterie au-dessus de sa tête me perturbe. Elle est presque écoulée.

0 jour 0 heure 15 minutes.
   Il est 23h30, le 29 décembre.

   Etrangement, j'ai comme l'impression qu'il me regarde. Qu'il sait que je suis là. Il se prend à sourire malgré sa situation. Il n'a plus la force de le soutenir longtemps, ses larmes roulent toutes seules. Sans le moindre effort. Il pleure sa vie, sa famille et ses amis. Il ne connaîtra jamais le bonheur d'avoir une petit-amie. Ni même celui de se marier ou d'avoir ses enfants. Puis il demande :

― Si tu existes... S'il te plaît, donne-moi la possibilité de vivre jusqu'à l'année prochaine. Juste le temps de voir mes parents sourire. Prouver aux médecins qu'ils avaient tort. Pitié !

0 jour 0 heure 7 minutes.

   Je sais qu'il supplie autre chose que moi. Je pourrais me sentir vexer mais ce n'est pas le cas. Sa mère rentre juste à la fin de sa phrase. Elle aussi pleure. Pourquoi ? C'est pourtant l'heure. Elle me traverse et part prendre place sur le lit de son fils qui vient de se redresser. Elle a l'espoir que les spécialistes se soient trompés. Il est si proche de cette fameuse fin d'année...

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant