Chapitre 2

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Ad patres.

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   Trahison. C'est sans doute le premier mot qui lui est venu après le départ de ce menteur et de ce manipulateur. Cependant, Hans ne pouvait rien faire. Accroché à cette ville comme une encre à un navire il savait pertinemment que tenter une fuite se solderait par un échec douloureux. Comment il le savait ? Quelle question, il avait tenté. Cela faisait maintenant plus de six ans qu'il était devenu la bête noire de la petite ville de Sleepy Hollow. Un an et demi à tenter de s'enfuir puis un autre pour comprendre que tout était peine perdu. Prenant conscience de son sort et de la duperie dont il avait été victime, sa colère se transforma en rage. Son seul moyen d'étancher ce sentiment se résumait à détruire. Mais avant tout, il se débarrassa de sa misérable pierre magique. À quoi bon se montrer tel qu'il ne l'était plus ? Ce pas franchit et il n'y avait plus rien qui le liait à la réalité. Les meurtres purent commencer trois ans après.
   C'était devenu au fil des ans plus forts que lui. Un humain et il était forcé de lui courir après sur son cheval de mort pour le décapiter d'un coup franc de la hache. Une nature, une raison d'être. Bien des hommes avaient tenté de l'avoir par duperie. Bien des femmes avaient hurlé. Mais personne n'avait sa tête. Sa précieuse relique profanée. Elle était là quelque part dans la ville, il la sentait après tout. Si près et pourtant invisible pour ses yeux...

   Le jour où pourtant tout bascula, la pluie avait mouillé les pavés qui ornaient la rue principale de la ville. Les sabots de son cheval tintaient d'une façon régulière, laissant l'atmosphère se charger en relent immonde de marécage et de charogne. Il n'y avait pas une âme qui vivait dans les rues. Mise à part des chats errants tout était comme dans les films d'horreur. Le silence ne l'arrêta pas pour autant. Il y aurait bien une petite âme innocente prête à braver la nuit et y perdre la tête... Il le savait. Il était si patient... Son instinct ne le trompait jamais et encore cette nuit, ce dernier s'éveilla pour le guider.
   Au loin, le cavalier entendit des plaintes sourdes et des sanglots. Sans doute une étrangère venue voir de la famille. Qui, dans cette idée d'époque avait espéré trouver l'homme de sa vie et qui ne trouva que porte close et désillusion. Pauvre d'elle. Pathétique décennie et médiocre être. Sans se presser, il descendit de son cheval et s'avança vers la source des jérémiades. Bien évidemment, dès qu'elle entendit les pas réguliers du fer sur la pierre, elle s'arrêta. Consciente que l'individu allait la repérer. Les gens venant de l'extérieur n'avaient pas cru en cette idée de démon sans tête. Cette malédiction que la guerre mettait en route. Mais il fallut quelques innocents et le bouche à oreilles pour que les journaux ne parlent que de lui ! L'hessois ne savait pourtant pas quelles retombées cela allaient avoir et pour avouer, il s'en fichait pas mal ! Tout ce qu'il voulait se résumé à un amas de nerfs, d'os, de muscles, de chair et d'organe. Tout ça allait pendre dans sa main et le reste irait se répandre en tâches le temps qu'il l'attache à son cheval. Il voulait sa mort. Hans désirait sa fin.

   Dès qu'ils furent face à face, la femme hurla de peur avant que tout ne se termine en gargouillis étouffaient par sa terreur naissante. Elle supplia avant toute chose, grattant à la porte derrière elle comme un petit chat. Ses ongles restèrent fermement plantés dans le bois. Une issue de fortune derrière une agréable maison de petit bourgeois étriqué. La lumière au niveau sur seuil vacillait élégamment. Preuve qu'une personne était derrière en train de faire les cents pas. Pleinement consciente de la fin qui allait emportait la petite âme tremblante. Le chasseur aurait bien pu épargner la femme et assassiner celui qui la mettait dehors. Mais la solution de facilité étant là, il préféra lever son arme et l'abattre sur un cou fragile.
   La tête roula sur quelques mètres, parsemant le sol de gouttes de sang. Avec lenteur et pour profiter pleinement du spectacle, le cavalier rangea son arme. Avec lourdeur, le corps avait chuté contre la porte, s'affaissant au fur et à mesure dessus. L'autre partie quant à elle était tournée. Sans grande douceur, il lui agrippa les cheveux et vit une expression d'horreur peindre ses traits de craie. Une poupée en porcelaine dont les longues boucles blondes venaient d'être libérées dans la force du geste. Elles venaient de tomber avec grâce sur son poignet alors qu'il la fixait comme un trophée de chasse. Lorsque la contemplation se termina, la tête fut attaché à un croché sur le flanc de son animal. Pour le corps, il le mit sans douceur devant lui quand il monta en selle.
Pourquoi emmener un corps ? Il n'avait jamais pris la peine de s'occuper des corps. Les laissant pourrir à leur place en guise d'avertissement. Ses victimes connaissaient parfaitement le sort des imprudents. Alors pourquoi les ménager ? Seulement cette fois, Hans savait très bien que ce n'était pas un acte délibéré de sa part mais qu'on l'avait juste jeté dehors. De ce fait et uniquement pour ça, il transporta la dépouille à travers la ville et s'engagea dans le bois brumeux qui encerclait une partie de la ville. Il aurait pu la laisser dans le cimetière de la ville, ou même la remettre dans son lit mais non, sa préférence se tournait vers un trou qu'il allait creuser au niveau d'une grange abandonnée. Loin de la ville, loin des hommes et en paix.

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant