X- Widdershins

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« Quand on suit une mauvaise route, plus on marche vite, plus on s'égare. » -
Denis Diderot

○∆○

Je ne me suis même pas préoccupée de ma vie terrestre trop prise dans mon enquête et ce rendez-vous chez les Armiers. Il ne faut pas croire qu'étant des créatures de l'autre monde, nous n'avons pas un travail et des responsabilités. Chacun à sa place dans un monde structuré. Personne ne dépasse et personne ne peut aller contre sa nature. Il a fait en sorte de nous en empêcher après le soulèvement et la chute de Lucifer. Autant dire qu'être un simple produit qu'on place au gré de ses envies est loin d'être agréable. Mais personne ne doit s'en plaindre. Du ciel à la terre, tout le monde s'accorde sur la même note : il peut être cruel.
Quoi qu'il en soit, il y a qu'un seul endroit où il n'a aucun pouvoir et aucun droit de regard : leur demeure, ou sanctuaire en fonction des goûts. Placé entre le réel et l'immatériel. Entre le bien et le mal. Le néant du vivant. Autant dire que sa conception en elle-même semble tout droit sortir d'une légende. Sauf que là, c'est plus réel que prévu. J'ai dû faire des pieds et des mains pour avoir une entrevue avec eux. C'était long mais finalement, quand le grand chef a décidé de se montrer devant moi il ne formula qu'un lieu, une heure et une date : 14 février sur la grande place de la ville à minuit pétante. Puis il m'avait laissé comme deux ronds de flan au milieu de ma chambre les bras liés.

À la suite de tout cela, je n'ai pas perdu de temps. Il était hors de question de rater ce genre de rendez-vous. J'ai couché Arianne assez tôt prétextant un mal de crâne et je suis partie silencieuse au lieu-dit. Maintenant, j'attends même depuis vingt-trois heures. Plus l'heure approche et plus je ne le sens pas. C'est difficile de décrire ce qui me traverse mais ce n'est pas agréable. Au plus profond de mes os, quelque chose ne colle pas...
La réponse à ce sentiment ne fait pas attendre. Dix minutes avant l'heure, j'ai le droit d'assister à un phénomène inexpliqué sortant tout droit des pires films d'épouvantes. Sans aide ni trucage je remarque certains objets se mettre à léviter avant de s'écraser. Intriguée, mon regard ne quitte aucun des cas avant de remarquer qu'ils se font de plus en plus proches de moi. Comme si... J'étais la cible d'une furie invisible. Pourquoi est-ce que je ne vois pas l'acteur ? Par précaution et non par peur, je me touche le point où loge ma faux et commencement lentement à tapoter pour en sortir la pointe.

Le temps que tout se passe je finis par être transféré dans le lieu de rendez-vous. Cependant, au tout dernier moment, j'ai pu entrevoir quelque chose de très étrange... Une lueur jouant entre le rouge cramoisi et le noir.

― Faucheuse...

À l'entente de mon attribut je me retourne sans un mot pour tomber face à plusieurs personnes encapuchonnées. Formant un cercle parfait je remarque sans mal ma position dans ce dernier et revête une allure plus simple qu'un amas de toile. Reprenant mon apparence d'Hel, je prends bien soin de cacher la partie de mon visage nécrosé et lève les yeux vers les Armiers. Chacun d'eux me fixe sans la moindre once de sentiment. En faisant attention à l'endroit où je me trouve, les rumeurs sur ce dernier volent en éclats. J'ai l'impression d'être comme à la maison. Nous sommes entourés d'étagères de livres dont les allées sont infinies. Cependant, tout est trop ordonné et le sol est tapi d'un cadran solaire où chaque sorcier se trouve. Trop parfait et trop organisé, rien ne m'échappe et je remarque aussi que le chef ne manque pas de fixer. Comme la dernière fois, il est le seul à bien vouloir me montrer son visage mais cette fois, il est habillé d'une façon différente. Vêtu d'une aube grisâtre et pourpre il me juge de sa hauteur et finit par sortir les mains pour ouvrir ses bras.

― Que nous vaut ta demande ?

Je sais très bien à qui je m'adresse et par respect, un genou se pose à terre et ma tête se baisse. Beaucoup oublie qu'ils sont les liens entre nous et les vivants. Avant leur mort, les gens aiment aller les voir pour faire un point sur leur vie, avoir des réponses sur une question... Vous voyez le genre ? Des médiums, des cartomanciens, des personnes à la sensibilité hors norme. Avec ce don, au lieu de rejoindre le rang des morts ils sont envoyés dans ce sanctuaire où ils répondent à nos interrogations tout en veillant sur leurs protégés.
En relevant très légèrement la tête, je remarque que le représentant se trouve juste à quelques centimètres de moi et qu'il m'adresse un magnifique sourire sincère m'incitant à me redresser expressément. Sa main se pose alors sur mon épaule m'invitant à le suivre dans ce dédale d'allée. J'ai guetté la réaction des autres et rien ne les a traversés. Pas même un haussement d'épaules ou un mouvement de capuche... Evaporés comme ils étaient arrivés.

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant