III- Le miroir de l'âme

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« Rappelle-toi : l'unique personne qui t'accompagne toute ta vie, c'est toi-même ! Sois vivant dans tout ce que tu fais. » - Pablo Picasso

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   Plus personne n'a la tête depuis ce fameux jour. Certains se forcent à rire et à sourire seulement pour faire figure d'exemple. À côté de moi, Camille se force à ne pas pleurer. Pour ma part, ce n'est pas le premier autel auquel je suis conviée et encore moins le dernier. Je ne peux pas profiter pleinement de mon deuil. Le devoir de la Faucheuse vient de se compliquer. Mon acte de bonté fut transformé en quelque chose d'hérétique aux yeux des Moires. Pourtant, je n'ai rien fait de mal. Me voilà prise au piège, au pied du mur. Livrer quatre âmes pures et innocentes à ces femmes où celle de Thomas restera enfermée dans cette cage de fils pour l'éternité. Mes poings se serrent. Je ne peux pas sacrifier des êtres humains comme ça. Mais je ne peux pas le laisser là-bas pour autant. Le dilemme étant posé, je me retrouve bien vite submerger par les émotions humaines. Entre la colère, la frustration et la tristesse, je me retrouve bientôt sur le point de craquer en plein milieu d'un cours. Si je pouvais les retrouver et leur étirer le sourire jusqu'aux oreilles... Je me souviens encore très bien du plaisir d'Athropos en partant. Irritant et la mésange volant contre les barreaux pour se libérer...

   Je crois que si les autres pouvaient sentir mes émotions, ils ne comprendraient pas ceux qui me rongent. Après tout, tout le lycée est en deuil et moi je suis juste frustrée. Comme à chaque fois à l'intercours, je suis Camille et les deux autres pour aller voir le casier de Thomas. Etrangement, il y a toujours un mot de plus à rajouter à la collection d'hypocrites. Enfin quoi que... En nous approchant cette énième fois, on est à peu près toutes surprises de remarque Julie plantée comme un pot de fleur. Tout le monde s'accorde à dire que depuis des mois, son comportement a changé. Pour autant, personne ne daigne lui accorder la moindre importance. Sauf moi peut-être. Son horloge ne bouge pas plus que ça, ne présente aucune anomalie et pourtant, quand je passe à côté d'elle, j'ai le sentiment que quelque chose ne va pas. Cette fois ne déroge pas à la règle. À notre vue, elle nous jette un regard si noir que je serais capable de la prendre dans mes bras pour la féliciter. Aucun mot ne sort de sa bouche et elle reporte rapidement son attention sur le casier. Quelques secondes s'écoulent et elle bouge très légèrement les lèvres. Rien d'anormal en soi. Pourtant, il y a des gens en ce bas monde qui me surprendront toujours. Il m'est cependant impossible de savoir pourquoi avec elle. Disons simplement qu'une sensation étrange émane d'elle. Comme un voile noir. Je me contente simplement de la regarder quand elle s'approche de nous. Sans un regard ou même une attention, elle part sans même se retourner. À côté de moi, Camille émet un soupir insatisfait et croise les bras.

― Elle n'a même pas laissé de mot...

   J'arque un sourcil. Sérieusement, elle ne pense qu'à ça ? Franchement, je ne dois pas être la seule à me rendre compte de son comportement si ?

― Vous ne trouvez pas qu'elle est étrange depuis quelques mois ?

― Non pas plus que ça. lâche Manon, la plus petite de notre groupe.

― On a un peu autre à faire que s'occuper d'elle Arianne. grimace cette fois Camille.

   Ah oui pardon ! Entre la manucure, la pédicure, les fringues, les mecs et l'enterrement c'est vrai : leurs journées sont vraiment très chargées. Lasse de chercher des arguments pour les bouger je me contente juste de reporter mon attention devant moi et t'attendre sagement. Je vais devoir veiller seule encore une fois sur une personne. Sérieusement, je devrai être payé en heure supplémentaire.

― Tu as des nouvelles de Marie ? me glisse la blondinette.

― Non, pas depuis qu'elle m'a appelé. Pourquoi ?

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant