V- Défaillance programmée

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« L'univers m'embarrasse et je ne puis songer que cette horloge existe et n'ait pas d'horloger » –
Voltaire

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  Avec toute cette histoire autour de Julie, je n'ai même pas pu me concentrer pleinement sur l'enterrement de Thomas. S'il savait pourquoi, je suis certaine qu'il serait en train de me sourire avec bienveillance. Mais je ne peux pas me mentir en disant que j'ai apprécié la situation avec l'autre. Essayer de trouver une explication à son comportement et ses étranges faits ne m'ont pas laissé de temps. Le fameux morceau de violon tant promis... J'ai dû le faire en un temps record entre les nuits courtes et les journées trop longues. Finalement, quand j'ai pu me poser j'avais le nez face à mon ordinateur pour tenter une remonter de piste en duo avec Camille. Je suis au moins contente d'une chose, ma chère tête blonde a arrêté de penser à notre ami pour se consacrer à son sauvetage. Autant la voir avec ce fameux syndrome de Lancelot... Quand elle n'a pas pu sauver une âme, elle pense pouvoir en aider une autre. Si seulement elle savait ce qui se cachait derrière les petits sourires de notre camarade, pas certaine qu'elle continue dans cette lancée.

   Pour en revenir rapidement à Thomas, personne ne se fait à son absence. J'ai du mal à me dire que mon portable ne va plus vibrer. Me dire que je vais oublier son visage et son odeur. Un humain est si faible psychiquement. Une brindille si facile à briser qu'il est presque déconcertant de me trouver dans un corps aussi chétif mentalement. Mais je me console. À défaut que la tête d'Arianne se souvienne, c'est moi, la Mort qui vais m'en charger. Je me souviens de tout le monde. Tous ceux que j'ai pu aider à passer de l'autre côté, ou ceux que j'ai pu voler leur âme. De la naissance de l'être humain jusqu'à maintenant. Des milliards d'hommes, de femmes, d'enfants et de bébés. Leur prénom, l'âge. Tout est gravé en moi. Les images ne cessent de tourner en rond dans ma mémoire. Mais je n'ai pas le pouvoir de faire grand-chose en ce moment. Là, je suis Arianne. La petite lycéenne sans histoire qui suit bien sagement ses études dans l'espoir d'avoir un emploi avant de finir comme tout le monde dans la tombe. Moi, tout ce que je veux ne se résume qu'en un mot : sauvetage. Je veux sauver son âme. Quitte à braver la colère des trois. Le seul problème et de taille est comment y parvenir. Il est juste hors de question et surtout interdis de tuer un humain pour des fins personnelles. Je ne sais pas ce qui arrive vraiment lorsqu'on le fait mais il est certain que ce n'est pas agréable. Après tout, l'entité de la peur avait tué pour le plaisir une fois. Le châtiment qui suivit fut si sévère et rapide que mon ami disparu pour laisser place à un remplaçant grotesque mais toujours en vie à l'heure actuelle.

   Bien trop perdu dans mes pensées, je n'ai même pas entendu la sonnerie et encore moins mon professeur et une de mes amies m'appeler. Ce n'est qu'une main sur mon épaule qui a le don de me faire sortir de mes limbes.

― Arianne ?

― Oui ?

― Est-ce que tu vas bien ?

― Euh oui monsieur.

   Il hoche la tête, cela n'a pas vraiment l'air de le convaincre. Mais depuis sa mort, tout le monde a le don de me prendre avec des pincettes. Comme si j'allais m'effondrer comme un château de cartes. Mais il garde le silence et me montre d'une main la sortie. Sans plus de mot, je me lève en rangeant mes affaires puis prends la porte en saluant.

― Toi aussi tu n'arrêtes pas d'y penser hein ? demande Camille.

   Je me contente de hocher la tête. Son enterrement est trop ressent tout comme cette nouvelle quête. Sauver des âmes n'est pas vraiment mon attribut. Mais si je ne le fais pas, qui le fera ? Tous les pseudo-dieux qui me sont supérieur ne font rien de plus que des orgies ou reste sagement assis à ne rien faire. On peut dire ce qu'on veut de tous ces représentants. Ils ne savent pas faire grand-chose de plus qu'attendre en recevant les bénédictions. Je suis donc la seule pouvoir faire quelque chose pour le sauver lui et Julie. Après tout, je sais que l'âme de Thomas n'est pas en paix. Pour l'autre, elle est tourmentée par un pervers narcissique qui me fait des farces. Alors comment est-ce que je pourrais faire semblant ? Dans un soupir, je fixe un point devant moi. Si seulement je pouvais le récupérer sans sacrifier d'autres vies... Mais les Moires ne sont pas folles. Elles savent comment je fonctionne. Qu'il ne faut jamais me faire confiance et encore moins s'approcher trop près sous peine de recevoir un coup de faux dans l'estomac.

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant