Prélude

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« L'illusion est la première apparence de la vérité. »
– Rabīndranāth Thākur

   Je ne savais pas que le froid donnait ce genre de sensation. Le picotement puis l'engourdissement et finalement l'absence de sensibilité. C'était ça qu'avait ressenti David dans ses vêtements d'hiver ? Je me souviens n'avoir jamais connu ce genre de chose avant aujourd'hui. Il est si étrange de faire semblant d'exister. Puis cette brouée qui se dégageait inlassablement de ma bouche... J'avais la sensation d'y laisser mon âme à chaque respiration. Mais ce sentiment mourut quand une main s'accrocha à la mien aussi fermement qu'un corde qu'on amarre sur un quai. Ces doigts contrastaient tellement avec l'environnement : chaudes, petites et innocente.

― Nous sommes encore loin ? avais-je lâché dans l'escalade d'un talus.

― Tu ne te souviens pas maman ? C'est juste après le virage là-bas !

   Cela faisait maintenant des semaines que je guidais nos pas dans cette campagne. Des jours à tenter de trouver une solution et encore plus souvent pour lui faire comprendre ma nature. J'avais tout tenté. De la vérité brute et sans douceur, de la compassion à la colère mais rien n'avait entaché sa ferveur. Rien sauf peut-être cette tignasse rousse qui sortit de son allée en courant vers nous. Une maison connue, un toit recouvert de neige et des pas pressaient dans cette dernière.

― Tante !

Mein engel ! Comment es-tu arrivé jusqu'ici tout seul ?

   Lorsque l'enfant se retourna, la silhouette frigorifiée que j'étais avait abandonné la valise qui gisait sur le sol. Seul les pas fragiles et heureux d'un petit homme libre foulé le tapis blanc. Il était le seul à avoir violé de ses pas cette partie du chemin. La femme porta à son tour un regard dans la direction de son neveu sans rien apercevoir d'autre qu'une mine effrayée et perdue.

― Elle était là !

― Qui ça Marie ? Schatzi, elle n'est plus.

    Le garçonnet reporta son attention devant lui les yeux emplit de larmes.

― Elle était là avec moi...

    Les deux adultes s'échangèrent un regard silencieux. L'illusion d'une vie meilleure vola en éclat quand il regarda une seconde fois derrière lui. À partir de ce jour, j'avais repris ma véritable place auprès du monde immatériel auquel je faisais partie. Mon enveloppe de chair que l'enfant m'avait créée disparue et je redevenais invisible aux yeux de tous. Même de lui... Doucement, ma main effleura son visage une dernière fois dans l'espoir vain de plonger mon regard dans le sien, en vain.

― Tu m'avais promis de rester... sanglota-t-il.

― Et je serai toujours là. Eternellement je te le promets.

   Si seulement j'avais su ce qu'impliqueraient des paroles aussi lourdes de sens. Moi qui ne suis rien qu'une idée, les mots seront toujours plus puissants que les actes et j'allais le payer au prix de ma promesse.

La Mort t'embrasse. [Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant