Chapitre 1

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Les aiguilles de l'horloge venaient d'atteindre 18h30, et les rayons cramoisis du soleil couchant baignaient la salle de classe des 1-A d'une lumière chaude et vive. Katsuki serra de ses doigts le bord de la table contre laquelle il était adossé, en en geste d'auto-apaisement. Ça lui coûtait de l'admettre, mais il était nerveux. Nerveux comme il n'avait pas été depuis bien longtemps.


« Il va venir. C'est obligé. »


Il regarda la porte, l'horloge, les tables, ses mains, la fenêtre, l'horloge encore, et émit un claquement de langue rageur. Claquement destiné pour moitié à l'autre, qui prenait son temps, et à lui-même, pour être tant stressé par quelque chose d'aussi simple. Ce genre de choses arrivait tout les jours. La plupart des gens étaient passés par là. De loin, ça lui avait semblé simple, très simple, mais maintenant que c'était à lui de se lancer, ce n'était pas le même délire. Comme un saut à l'élastique. Sans élastique. Du haut d'un viaduc.


Il força son regard à se détourner du cadran de la pendule. Tout irait bien.C'était juste un viaduc de merde, et de toute manière, les élastiques, c'était pour les faibles. Ignorant la petite voix dans sa tête qui lui soufflait de tout laisser tomber tant qu'il en était encore temps, il se répéta ses mots mentalement une fois de plus.Il devait être prudent. Pas d'insultes, pas de pétage de plombs.Sous l'effet de la panique, qui sait comment la conversation tournerait. Peut-être qu'il valait mieux qu'il rentre chez lui, en fin de compte. S'il se dépêchait, il pouvait encore faire comme si rien de s'était passé.


Oui, mais non. S'il se trouvait dans la salle de classe à cette heure, c'était précisément parce que cette solution était la moins douloureuse pour lui. Depuis qu'il avait réussi à mettre des mots sur ses sentiments, il avait de plus en plus de mal à les contenir. Et il préférait tout laisser sortir maintenant, dans une ambiance et un contexte qui lui étaient favorables, plutôt que de les voir s'échapper à un moment aléatoire, possiblement en public. Il allait au-devant d'un moment très gênant, mais c'était un mal nécessaire, et il le savait pertinemment.


Encore un regard pour l'horloge ; 18h32. Il aurait bien tapé quelque chose pour évacuer sa nervosité, mais ça risquait de ne pas faire bonne impression. Fixant ses mains, il se concentra pour en atténuer le tremblement.

-...Tu voulais me parler, Kacchan ?


L'intéressé sursauta. Il n'avait absolument pas entendu Izuku arriver. Il releva les yeux pour le regarder. La lumière du crépuscule baignait le jeune garçon, qui se tenait dans l'embrasure de la porte, contrastant doucement avec le vert profond de sa tignasse. Son regard diopsidique magnétisa immédiatement celui de Katsuki, qui déglutit le plus discrètement possible en tentant de calmer les battements violents et désordonnés dans sa poitrine. Il rassembla le reste de son esprit encore opérationnel pour s'exprimer le plus clairement possible tout en retenant la déclaration trop soudaine qui lui venait naturellement aux lèvres.

- Oui. C'est que... Voilà... En fait...

- En fait ?


Évidemment.Dans sa tête, tout état fluide, mais sur le moment, impossible de retrouver les mots qu'il avait soigneusement préparé. Tout se mélangeait dans sa tête, et plus rien n'avait de sens. Il prit une grande inspiration et se dressa de toute sa hauteur. Au point où ça en était, autant que ça sorte.

- Je t'aime, annonça-t-il d'un ton résolu. Sors avec moi.


Pendant quelques secondes, la pièce resta entièrement silencieuse. Izuku se contentait de fixer son interlocuteur, les yeux écarquillés, comme si il cherchait un double sens ou une explication à ses paroles.Puis il sembla comprendre qu'il n'y avait rien de tout ça, que les mots de Katsuki étaient dénués de sous-entendu. Il inclina légèrement la tête, entrouvrit la bouche.


Et éclata de rire.


Le son résonna contre les murs comme une clochette. C'était un très joli rire, franc, agréable. Pourtant, Katsuki se sentait comme pétrifié par ce son. Ce n'était pas normal. Ce n'était pas le genre de situation qui prêtait à la rigolade. Izuku, peinant à contenir sa crise d'hilarité, alla s'appuyer sur le bureau du professeur pour reprendre son souffle. Un fois calmé, il essuya d'un revers de la main les larmes qui avaient perlé au coin de ses yeux et se reconcentra sur son interlocuteur.

- Désolé, Kacchan. C'est juste que c'est tellement... Que toi, tu me dises ça... Je ne m'y attendais pas, pas du tout. M'enfin, ça prouve que tu n'as absolument pas conscience de tes actes. C'est rassurant, dans un sens. Du coup, je ne sais pas trop comment t'expliquer.


Il replongea ses yeux dans ceux de son vis-à-vis. Dans le mouvement, il était monté inconsciemment sur l'estrade, ce qui faisait que, appuyé sur le bureau de l'enseignant, il surplombait presque Katsuki.

- Kacchan, fit-il en retrouvant une expression neutre. Tu sais ce qui s'est passé le 28 mai XXXX ?


Le garçon resta silencieux, et Izuku secoua la tête.

- Non, évidemment, tu ne sais pas. C'est le jour où j'ai fait une tentative de suicide.


L'information souffla Katsuki. Incapable de parler, même incapable de penser, il fixa Izuku, qui tournait un regard absent vers l'extérieur.

- « Tu n'as qu'à mourir, et espérer avoir un Alter dans ta prochaine vie », hein... Évidemment, tu ne pensais pas qu'on puisse te prendre au sérieux. Moi non plus, je ne pensais pas t'avoir pris au sérieux. Et avant que je m'en rende compte, j'étais sur le toit d'un immeuble résidentiel, au-delà de la balustrade. À deux doigts de sauter. Mais au dernier moment, j'ai renoncé. Par lâcheté, sans doute. Trop faible pour atteindre ses objectifs, trop faible pour se défendre, et trop faible pour mettre fin à cette vie pathétique. En tout cas, c'est ce que je pensais à l'époque. C'est différent maintenant.

Il se reconcentra sur Katsuki, le visage étrangement attristé.

-  Tout ça pour dire, tu as fait de mon enfance et de mes années de collège un enfer sur Terre. Au point que je ne valuais même plus ma propre existence. Au point qu'une simple phrase, que tu répétais souvent d'ailleurs, a failli me pousser de l'autre côté. Il a fallu du temps, et beaucoup d'attention de la part de certaines personnes, pour que je recommence à essayer de vivre normalement. Là, ma vie me plaît. Elle n'est pas parfaite, mais elle est relativement agréable. Quand je me lève le matin, je n'ai plus peur de sortir de chez moi et de parler avec des gens, et ça fait un grosse différence. Je ne sais pas ce que tu t'es mis dans la tête, mais laisse-moi vivre ma vie en paix, s'il te plaît.


Lentement,il descendit de l'estrade et se dirigea vers la porte. Juste avant qu'il ne sorte, un bras s'abbatit sur le mur devant lui pour lui barrer la route

- ...Quoi ? Demanda-t-il calmement.

- Tu ne te rends pas compte de ce qui se passe ! s'écria Katsuki. Je suis censé faire quoi, moi, maintenant ? J'ai pas choisi tout ça, bordel !

- Pas mon problème, asséna Izuku, avant de se baisser pour passer sous son bras et sortir de la pièce.



Les derniers rayons du soleil balayèrent la pièce avant de disparaître, et la porte se ferma doucement.

~***~

Bon, bon, voilà, premier chapitre. Comme il est tard, j'ai plus de neurones disponibles pour voir ce que ça donne. C'est vous qui me direz du coup ! ^^

Allez, bonne nuit les gens, on se retrouve dans un temps très indéterminé pour le prochain chapitre !

Overjoyed [Katsudeku/French]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant