Chapitre 3

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« ...J'ai l'impression que... »


Ochako baissa de nouveau le visage vers son repas, sur la table du réfectoire, et compta jusqu'à dix. Puis elle releva brusquement le regard, et croisa deux prunelles écarlates tournées dans sa direction. Il fallut quelques secondes à Katsuki pour se rendre compte qu'il était lui aussi observé. Celui-ci changea aussitôt de cible visuelle pour son plateau.


« Oui. J'avais raison. Bakugou est en train de nous regarder. Enfin, « nous»... »


La jeune fille savait que ce n'était pas elle que son camarade fixait. Sinon il aurait immédiatement remarqué qu'elle lui rendait son regard, au lieu de mettre un temps à s'en apercevoir. Ce n'était sans doute pas Iida non plus - elle se tenait sur la ligne invisible reliant les deux garçons, lui cachant la vue. Ce qui laissait...

- Deku-kun, il s'est passé quelque chose avec Bakugou, récemment ?

- Hein ?

Izuku sembla se crisper, comme surpris par la question tranchant au milieu de la conversation banale, mais surtout gêné et nerveux.

- Non, r-rien. Pourquoi ?

- Mhmm, juste une impression.


« Il s'est passé quelque chose. »


Pour Ochako, la réaction de son ami, presque défensive, en disait long. Une partie d'elle, curieuse et inquiète, lui souffla d'insister, mais elle se retint. Si Deku-kun ne lui en avait pas parlé de lui même, ç'aurait été intrusif et indiscret. Ce qui ne l'empêchait pas d'être intriguée.


Cela faisait longtemps que la relation entre le jeune homme et son ami d'enfance interrogeait la jeune fille. À ce qu'elle savait, ils avaient grandi ensemble, et Bakugou avait commencé à persécuter Izuku lorsqu'il avait découvert que ce dernier n'avait pas d'alter, ce qui n'avait stoppé qu'à leur entrée au lycée. Elle savait que tout ça était allé assez loin, mais le jeune homme ne semblait pas avoir de rancœur envers Katsuki. D'autant plus que ce dernier, s'il s'était montré particulièrement agressif en début d'année, l'avait été de moins en moins à mesure que les mois passaient. À priori, ils étaient donc arrivés à un status quo, où chacun acceptait la présence de l'autre, sans pour autant avoir des relations cordiales ni amorcer un rapprochement. À priori. Car le regard qu'Ochako avait surpris s'intégrait mal dans l'équation, compte tenu de la personnalité de Bakugou.


Elle avait beau réfléchir, elle avait du mal à cerner une cause qui aurait pu faire quitter au blond sa perpétuelle expression froide, pour fixer le garçon qu'il avait autrefois persécuté d'un regard presque misérable.


~***~


- Uraraka.


L'intéressée,occupée à ranger ses affaires de cours dans son sac, s'interrompit un instant.

- Oui, Tsuyu ?

- On va aller dans un café avec Ashido, Hagakure et les autres. Tu veux venir ?


Ochako eut un sourire gêné et s'excusa :

- Heu, c'est mon tour de nettoyer la classe, désolée. Ça ne devrait pas prendre très longtemps, je vous rejoint là-bas ?


Tsuyu acquiesça et donna à la jeune fille l'adresse du café avant de descendre rejoindre les autres filles, et Ochako partit chercher un balai dans le placard près de la fenêtre. Apercevant Izuku en contrebas, qui se dirigeait vers le portail, elle sourit et lui fit un signe de la main. Le jeune garçon, la remarquant, lui rendit l'un comme l'autre avant de partir vers la station de train. Quittant la fenêtre, Ochako allait se mettre en travail quand un coup brutal frappé contre une table la fit sursauter violemment. Elle lâcha le balai, dont le manche en bois heurta le sol avec un choc sourd. C'est seulement à ce moment là qu'elle remarqua le nom à côté du sien sur le tableau des corvées.


Bakugou.


Comment tu fais ça ? Grogna le blond rageusement.

- Comment je fais quoi ? Répondit Ochako en se retournant lentement.


La jeune fille fut frappée par l'expression de son camarade, qui avait le poing toujours abattu sur la table. Elle l'avait déjà vu en colère, mais cette fois-ci était différente – la rage était mêlée à quelque chose de plus profond. Quelque chose entre le désespoir et la résignation amère.


- Pour qu'il soit comme ça. Avec toi. Comment tu fais ?

- Hein ? De qui tu parles ?


Ochako le vit serrer les dents encore un peu plus.


- Deku, lâcha-t-il d'un ton lourd.


La jeune fille intégra l'information. Apparemment, Bakugou voulait se rapprocher de Deku. Mais pourquoi ? Et pourquoi si soudainement ? Ce n'était pas le genre de personne à vouloir des amis, et même si c'était le cas, il lui aurait été plus facile de se rapprocher de n'importe qui d'autre, étant donné ce qui s'était passé entre eux. Peut-être parce qu'il se sentait coupable, justement ? Mais ça ne semblait pas non plus dans son caractère d'avoir des remords pour quoi que ce soit. Ochako réfléchissait, réfléchissait. Et c'est là que ça lui revint.


Le syndrome de Lima. L'agresseur amoureux de sa victime. Elle avait lu des dizaines de romances pour adolescentes qui utilisaient ce twist. Mais... Non, c'était impossible. Dans la réalité, c'était quelque chose qui n'arrivait pas, encore moins à quelqu'un avec la personnalié de Bakugou. Et pourtant... Pourtant, plus elle  y pensait, plus ça avait du sens.


Ne la voyant pas réagir, Katsuki finit par se redresser et se détourner.


- Laisse tomber, cracha-t-il entre ses dents. C'était stupide.

- Tu es amoureux de lui ?


C'était sorti tout seul. Ochako se mordit la lèvre et se maudit pour n'avoir pas pu s'empêcher de poser la question. En plus d'être terriblement indiscret, c'était juste impossible. Son cerveau d'adolescente nourrie aux histoires d'amours fictives avait tiré des conclusions tout seul.


Elle s'attendait à ce que son interlocuteur explose de rage, et ses yeux s'agrandirent de surprise quand elle le vit pivoter lentement sur lui-même pour la regarder dans les yeux.


- Comment ?... murmura-t-il, l'air encore plus choqué qu'elle.


Ochako déglutit.


Cette histoire était visiblement encore plus compliquée que ce qu'elle croyait.

Overjoyed [Katsudeku/French]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant