Les miroirs

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Terre², lundi 1er janvier 2151


Je m'appelle Danaé, j'ai quinze ans.

Je vis dans un monde où la violence a été éradiquée bien avant ma naissance. Pourtant, il y a huit ans, le jour même de mon anniversaire, j'ai été enlevée et enfermée par des hommes en noir.

Ce qu'ils m'ont fait ?

Comment m'ont-ils kidnappé ?

Je ne m'en souviens pas.

Quand la police m'a retrouvée dans une forêt, à des centaines de kilomètres de chez moi, elle s'est posé des questions.

Bien sûr, ça a fait la Une de tous les journaux. Durant des semaines, des journalistes sont venus me voir, me parler. Comme je ne savais rien, je suis restée silencieuse, malgré leur insistance.

Pendant des jours et des jours, j'ai essayé de me rappeler ce que mes ravisseurs m'avaient dit ou fait. Malgré cela, aucun souvenir ne m'est revenu. Le docteur est passé des dizaines de fois, mais comme je n'avais rien, je suis retournée à l'école. Je n'aurais jamais dû y aller. Les élèves, les profs et même le directeur me posaient des questions auxquelles je n'avais pas de réponses. Au bout d'un moment, ils se sont lassés et m'ont ignorée.

À présent, ils font comme si je n'existais pas. Ils me traitent comme une étrangère.

C'est d'ailleurs aussi ce que je ressens dans ma famille.

Et pour cause : j'ai les cheveux châtains alors que mes parents, mes frères et mes sœurs, mes oncles, tantes et cousins ainsi que mes grands-parents, sont tous blonds.

Ma peau est pâle comme celle d'un fantôme, alors que toute ma famille a le teint hâlé. J'ai les yeux noirs comme l'onyx, ce qui est étrange en ce monde. Jamais personne dans notre pays n'a les yeux noirs comme les miens. On me demande souvent si j'ai un problème ou si je porte des lentilles teintées. Cela m'agace et m'exaspère à un point inimaginable car on me pose la question toutes les dix minutes. Alors je porte des lunettes de soleil quand je sors pour aller à l'école, puis pour rentrer à la maison.

En parlant de chez moi ...

Danaé Minsorft releva la tête de son journal intime et inspecta la spacieuse chambre qui était la sienne pour vérifier qu'elle était complètement seule. Vu le silence qui régnait, elle l'était bel bien dans la grande maison de banlieue où sa famille et elle habitaient depuis sa naissance.

Ses parents étaient en ville ; ses trois frères et trois sœurs étaient encore à leur université privée. Elle se tranquillisa et replongea dans l'écriture de son petit journal qu'elle avait acheté ce jour-là à l'insu de tous.

En ce premier jour de l'an, elle avait succombé à une tentation déjà vieille : pouvoir coucher sur papier tous les mystères qui l'entouraient. Elle aurait pu faire ça sur son téléphone, mais le faire dans un journal lui plaisait mieux, et c'était moins facile à hacker...

Elle avait acheté ce journal en secret car ses parents ne supportaient pas que quiconque ait un secret dans la famille. Ils détestaient les cachotteries et à chaque fois qu'elle leur avait demandé pourquoi, ils ne lui avaient rien dit et avaient changé de sujet.

J'ai souvent l'impression qu'ils me cachent tous quelque chose. J'ignore ce que c'est, mais ce secret me met mal à l'aise chaque fois que j'y pense.

Mais bon, ne parlons plus de cela. Parlons plutôt d'eux.

Mes parents travaillent dans des domaines totalement opposés : ma mère est styliste alors que mon père est chercheur.

L'Éternal, livre 1 : Le Réveil de la Princesse EliatropeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant