Frisson

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Ce matin, je me suis réveillée avant que mon réveil ne le fasse. J'ouvrais les yeux et fixais le plafond. Aujourd'hui était le grand jour pour les filles. On ne devait pas foirer, sinon le club n'aurait aucune crédibilité. J'ouvrais snap et cherchais à commencer une conversation avec une des filles. Apparemment, je n'étais pas la seule à avoir des insomnies, car plusieurs d'entre elles étaient actives. Bien qu'elles fussent toutes agréables, les conversations s'épuisèrent rapidement.

Je descendis les escaliers, prenant de l'avance sur ma routine. Je préparais mon déjeuner quand mes yeux captèrent une photo de Gunner et ma mère sur un mur. Gunner. Que j'avais du mal à l'appeler père, bien qu'il fût l'homme qui m'ait élevée. Mes pensées se déportèrent vers la lettre de ma mère. Elle n'avait voulu me parler de mon père biologique car il "n'en valait la peine". Mais qui était cet homme ? Je n'en savais rien, et cela m'allait. J'étais tellement dans mes pensées que je n'entendis pas Gunner arriver, et il me surprit quand il apparût à côté de moi. Il eut un regard concerné, probablement parce que je fronçais les sourcils.

« Ça va, ma belle ? » Demanda-t-il en m'ébouriffant les cheveux, comme il en avait l'habitude avec Elfi. Je répondis par un bref hochement de tête, et son expression inquiète me rappela la chose la plus importante dont j'avais pris conscience au cours de ces derniers jours : c'était lui mon père, qu'importe si je ne partageais son sang, il m'avait élevée comme sa propre fille, initiée aux traditions et réconfortée dans la perte de ma mère.

Je me levais quand le micro-ondes sonna. Les souvenirs des premiers jours m'assaillirent et ma gorge se serra. Je ne pleurerai pas. Gunner, pardon, mon père, me mit au courant des différentes perquisitions. Rien de nouveau, mais le conseil ne lâchera pas. Il avait touché à leur famille, Il devrait payer. L'enquête (l'officieuse, du moins) avançait aussi rapidement que possible pendant la période des fêtes, et l'étau se resserrait autour du tueur. Ils auraient exploré toutes les maisons d'ici la fin du week-end.

Jasper vint me prendre, et les jumelles étaient chargées à bloc. Je crus ne jamais les avoir vues aussi à fond pour quelque chose (impliquant du sport, qui plus est). En arrivant au lycée, il me semblait n'avoir jamais vu les élèves aussi détendus et souriants, excepté pour les membres de l'équipe de hockey, qui étaient sûrement en train de se faire briefer. Les haut-parleurs s'allumèrent, et Jeff prit la parole :

« Salut tout le monde, alors vous le savez sûrement, étant donné que je vous ai vus tout sourire ce matin, aujourd'hui il n'y a pas cours, grâce à nos généreux professeurs de sport ! Bref, maintenant que je me suis assuré quelques points en plus en EPS (plusieurs rigolèrent à cette blague), je vous invite à vous diriger vers la patinoire, où une buvette vous attend ! Les matchs commenceront d'ici une heure, nous comptons sur vous pour y être, avec vos vestes aux couleurs du lycée pour encourager nos hockeyeurs ! C'était votre charmant Jeff Jones ! »

J'allais chercher mon uniforme de cheer, quand une autre voix pris la parole. Léo fut soudainement plus intéressée.

« Salut les cheers, étant donné que mon débile de cousin (on l'entendit protester en arrière-plan) a oublié de vous en parler, briefing dans le gymnase du lycée dans 5min, en tenue. On se rendra sur place avec un mini-bus, à tout de suite ! »

Nous nous pressèrent vers le gymnase, en passant par la case vestiaires. Kloë nous fit un topo, puis un discours de motivation.

Les gradins de la patinoire étaient bondés. Une zone était réservée aux personnes de notre lycée, profs et élèves s'y serraient. Tous portaient les couleurs de l'établissement et ça faisait plaisir à voir. Ils étaient nombreux, pour ne pas louper l'écrasement des lycées adverses. Parce qu'il ne fallait pas se le cacher : notre équipe avait de bons éléments de base, et l'arrivée de Jago ne faisait qu'augmenter nos chances de gagner.

Un prof s'était improvisé chauffeur de salle, et occupait les spectateurs en attendant le début des matchs. Je me retournais vers Léo. Elle occupait ses mains en serrant les poings répétitivement. Je posais mes mains sur ses épaules, la fixais dans les yeux et lui disais de calquer sa respiration sur la mienne. Ce n'est pas le moment qu'elle ait une crise de panique. Cela faisait longtemps qu'elle n'en avait pas eu, étant donné que le public était plongé dans la pénombre lorsqu'elle était sur scène, et qu'elle ne pouvait donc le voir. Dinah s'approcha, inquiète :

« Tout va bien ?

-Oui, je gère D, mais est-ce que tu pourrais aller lui chercher une bouteille d'eau s'il te plaît ? Au cas où. »

Elle tourna les talons, en quête de ce que je lui avais demandé. Ce fut au tour de la capitaine de se diriger vers nous, ses longs cheveux tombant en cascade autour de sa tête, elle a demandé si tout allait bien. Celle-ci hocha la tête frénétiquement pour éviter d'inquiéter plus de personnes. Kloë ne se contenta pas de cette réponse et posa sa main sur le dos de mon amie pour essayer de la faire se calmer. Mauvaise idée. Je vis que Léo paniquait de plus belle, pour d'autres raisons cette fois-ci, mais heureusement Dinah revint avec une bouteille d'eau, et lui tendit, ce qui fit rompre le contact entre les deux filles. Bon timing Dinah. Elle la remercia du regard, ne pouvant pas encore parler, et Dinah posa une main sur son épaule. Si un regard pouvait tuer, elle serait tombée sur le champ. Je regardais la capitaine et riais intérieurement. Décidément, la jalousie...


Comme prévu, l'équipe de notre lycée gagna haut-la-main, et j'avouais avoir été impressionnée par la performance de Jago. Il était peut-être un connard en-dehors du terrain, mais sur la patinoire il savait ce qu'il faisait, et il le faisait bien. Il marqua plus de la moitié des buts. Peut-être que ça lui vaudrait d'être réinvité à la fête du nouvel-an, ou peut-être pas. Il n'y eut pas de blessés de notre côté, mais un des gars d'un autre lycée se cassa la jambe.

Le bilan de la journée était positif pour nous : nous ne nous étions pas ridiculisées et les gars avaient explosé leurs records. Ils décidèrent de fêter leur victoire, mais je déclinais, suffisamment fatiguée pour ça. Mes amies firent de même, exténuées. Je crus voir une ombre de déception passer sur la tête de Kloë quand Léo déclina, mais c'était peut-être la fatigue.

Nous sortîmes toutes en même temps de la patinoire, esquivant le triomphe des hockeyeurs, qui se faisaient porter, encore avec leurs protections. Je croisais l'américain, qui avait changé sa veste en cuir pour celle du lycée. Il me la montra du doigt en me narguant. Je roulais des yeux, amusée, puis je fuyais le cortège.

En sortant du complexe, un homme étrange avec des yeux clairs nous regardait fixement. Il se dirigea vers nous nonchalamment. Sa tête me disait quelque chose. Je ne pouvais m'empêcher, mais mes cheveux se dressèrent sur ma nuque. Un frisson me parcourut, et mon instinct me disait de fuir. J'avais un mauvais pressentiment. Les filles le sentaient aussi, apparemment. On avait ralenti le pas prudemment. Nous entendions la voix de Jeff, derrière nous :

« Il y a un problème ? » Je me retournais vers lui, soulagée. Steve et Jason, les pros des branchages, étaient avec lui. Mes yeux se reportèrent sur l'homme étrange qui était là. Était. Il avait disparu !

Le trajet retour se passa en silence, à moitié à cause de la fatigue et l'autre moitié à cause de l'étrange rencontre qui me laissait en pleine réflexion. D'où connaissais-je cet homme ? Et pourquoi m'avait-il autant fait peur ?


Je me couchais avec plus de question que de réponses. Cependant, je me rappelais où j'avais vu l'homme la première fois : à l'enterrement de ma mère !

24 jours en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant