24 jours en enfer

Le coffre

J'ai prévenu ma meilleure amie que je n'irais pas en cours aujourd'hui. Léo est compréhensive, j'espère cependant que sa journée se passera sans encombre.

Je voulais passer cette journée avec ma petite-sœur qui, chanceuse, n'a pas cours le mercredi puisqu'elle est en primaire. Mon père m'en était reconnaissant. Je ne lui ai pas parlé depuis la mort de maman. Nous n'avons jamais été proches et Freya était toujours présente lors de nos échanges. La seule fois où nos étions seuls, tous les deux, c'était pour faire une surprise à notre mère/femme favorite.

Allongée dans mon lit, je regarde mon plafond haut d'un blanc immaculé. Je ferme les yeux l'espace d'un instant et je sens un poids venir m'écraser violemment.

"Elfi ! Criais-je.

- Oui ? Demanda-t-elle innocemment avec ses grands yeux cobalts.

- ...

- Je t'ai fait mal ? S'inquiéta-telle.

- ...

- Kirsten ?..

- La dernière à la cuisine fera la vaisselle pendant une semaine !! Lançais-je."

Je pousse ma sœur au bout du lit et me jette dans le couloir : si elle s'occupe de la vaisselle, j'aurais plus de temps pour me préparer pour la soirée de vendredi ! Une fois dans la cuisine je fermais la porte à clé.

"D'accord, j'ai perdu, mais ouvre-moi ! J'ai faim !!

- Va regarder un peu la télé, bichette !

- Promis, Kirsty, plus jamais je te saute dessus, mais j'ai trop faimmm..."

Pendant que l'animal qui me servait de sœur grattait la porte en couinant, je lui préparais des pancakes et un plateau avec du jus de fruits. J'ai fini par déverrouiller la porte et elle tomba à mes pieds tel un animal mort. Je la portais et l'assis sur la table. Après avoir posé le plateau sur ses genoux, je la porta de nouveau jusqu'au canapé.

Ses dessins-animés préférés passaient toute la matinée à la télé, mais rester statique m'insupporte. Je suis donc allée dans ma chambre ouvrir ce fameux coffre, que Brigit avait apporté la veille.

Il est posé sur mon bureau, dédaigneux, il contient des affaires de ma mère et me nargue. J'admire une dernière fois ses lignes froides et fascinantes puis je déverrouille le code : 11 12. Ma date de naissance, ma mère m'a souvent répété que j'étais née une pleine lune et mon père disait que mon signe Sagittaire prédisait que je serais une Elhaï.

Le trésor qui s'offre à mes yeux est un amas d'objets, de sachets, de petits mots. Mais la première chose que je vis fut une lettre écrite rapidement, de son écriture fluide et aérée :

J'eus un pincement au cœur, si fort que j'ai cru défaillir. Je la fourrais rapidement dans le coffre, n'osant pas regarder autre chose. Ma tête tambourine et je ne puis gérer la montée d'une émotion inconnue. Un flot de terreur, de tristesse me submerga. Je n'avais jamais réalisé qu'elle était partie. Je me réconfortais dans l'espoir qu'elle fut en simple tournée.

J'ouvris ma fenêtre pour rafraîchir mon visage, le froid mordant anesthésia mes nerfs à vif. Exactement ce qu'elle redoutait ! Mais je ne peux pas, c'est trop dur de ressentir...

Ma sœur m'aida à faire des maisons en pain d'épices, on avait de quoi nourrir tout le quartier ! Mais elles serviront pour le bal de Noël, on avait l'habitude de s'y prendre à l'avance pour avoir le temps d'assister aux essayages de Maman.

Le soir, on accueillit notre père qui venait de promener Baldur et Fenrir, le repas était prêt : du gruau (bouillie aux céréales) et du flétan fumé ! Il était ravi. Son travail est épuisant, il arpentait les forêts pour vérifier que l'exploitation était dans la norme, mais aide aussi les bûcherons en difficulté.

On a fait coucher Elfi tôt. Je l'ai retenu, j'ai voulu discuter avec lui. Mais ses yeux douloureux quand ils ont croisé les miens m'en ont dissuadé.

"Je... pas maintenant Kirsten, d'accord ?

- Oui, papa, mais il va bien falloir qu'on finisse par tout mettre au clair.

- Bonne nuit, ma chérie."

Il me fit un bisou sur le front, puis après une brève seconde est retourné dans sa chambre, seul.

Je ne dormis que quelques heures, les mots de ma mère restant gravés dans mon esprit. C'était si douloureux. Mais je ne pleurerai pas.

Jeudi, je vais en cours. Je pense aux affaires de sport que j'ai l'habitude d'"oublier" si ça ne me plaît pas. Mais au programme on a trois heures d'initiation au patin à glace entrecoupées des auditions pour différents sports (cheerleaders pour moi).

Je me suis faite coiffée par Léo. Elle joue du violon alors elle a des doigts de fée. J'étais la première sur la patinoire, qui est notre lac (qui ne dégèle que très rarement). Je pris quelques minutes pour m'habituer, mais j'en avais déjà pris des cours avec ma mère, elle voulait que je pratique un art et la patinoire fut une de mes passions avant que je n'entre au lycée (manque de temps). Je fait des jaloux dans ma manière de me mouvoir, mais la plupart des gens me prennent simplement comme exemple pour débuter.

Les auditions étaient du gâteau, pour moi du moins, je sais faire la roue, j'ai un poids moyen qui me permet de porter les filles, mais aussi de voltiger et puis : j'ai la beauté et la grâce. En gros, elles m'ont fait répéter 3 gestes avec les autres, puis elles ont pris mon numéro. Idem pour Léo qui s'était faite repérée par Kloë.

Dinah avait également été retenue. Le soir, j'avais déjà des courbatures, je me coucha sans faire d'histoires et je m'endormis de suite.