Enfermée

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Je fais une grande partie de mes cours, tant que j'ai de l'électricité. On a fait un stock de bougies et de diffuseurs lumineux sur batterie.

Ignorant totalement l'heure, j'ai décidé de commencer un puzzle complexe représentant la banquise, alors toutes les pièces se ressemblent. Je finis par m'y endormir dessus.


Je courais le plus vite possible, mais le sol glissait terriblement ! La terre gelée me ralentissait. La peur me nouait le ventre. Mes membres étaient glacés. Mon souffle irrégulier faisait des nuages de vapeur. Chaque inspiration me brûlait les poumons de froid. Mon cœur battait dans ma poitrine. J'étais à bout de souffle, mais je persistais dans ma course effrénée. Pour lui échapper. Je sautais par-dessus une racine qui sortait de la terre. J'entendais ses pas bruyants dans la neige, sa respiration irrégulière tranchant avec le bruit du vent. J'entendais le bruit des branches qu'Il brisait sur son passage. Mais pire ! J'entendais un grognement sauvage sortir de sa gorge.

Je me dirigeais vers l'orée de la forêt. J'accélérais tant bien que mal, mais ne vis pas la branche d'arbre cassée... Mon pied s'accrocha à l'obstacle, et je tombais la tête dans la neige. Je me relevai, la peur me paralysant. Son grognement bestial s'approchait incessamment. Je bondis en avant, tentant de le fuir.

J'avais de l'eau dans mes vêtements, les mains saignaient, mais une voix dans ma tête m'obsédait : fuit ! J'accélérais encore pour tenter de distancer mon poursuivant. Je tentais le tout pour le tout en arrivant dans la prairie. La neige était plus épaisse, je continuais à courir. Je constatais, étonnée, que je ne m'y enfonçais pas. Je tombais à nouveau dans l'étendue blanche. La chute me parut d'une douceur infinie, tout cessa. J'étais parcourue de frissons délicieux. Je vis, à quelques centimètres de mon visage, le corps sans vie de ma mère. Son visage, bien que défiguré était enfin au repos, avec les nombreuses blessures qu'elle avait sur le corps.


Mon réveil fut rude, le dos endolori, la tête bourdonnante et les yeux embrumés, prêts à couler. Mais, non : je ne pleurerai pas.

Mon père s'était excusé de ne pas m'avoir emmenée au conseil, une prochaine fois ! Et m'en avait fait un petit résumé, en gros le conseil va collaborer avec la police et les 9 délégués auront accès complet aux avancées pour faire progresser l'enquête avec leurs connaissances. C'est ainsi que la copie du dossier m'a été transmise par Gunner. J'ai pu lire les détails de l'autopsie de maman, bien que certains mots m'échappaient, j'ai compris entre autres qu'elle était morte dans la souffrance.

On s'est fait des bouillons de légumes et viandes comme au bon vieux temps où on restait en famille durant les tempête, sauf qu'il n'y a que mon père et moi... Cela continua quelques jours, il fut appelé à un moment pour aller secourir quelqu'un de bloqué dans la neige près de chez nous. Heureusement, la jeune citadine ne s'en est sortie qu'avec un gros rhume.


Cassie, la femme qui séjournait chez nous, n'était pas habituée aux nourritures traditionnelles. L'influence Nord-américaine ne nous touche pas puisque nos ressources sont limitées, je l'instruit donc, à l'aide de mon paternel, à la cuisine locale. Elle finit par y prendre goût. Bien qu'elle squatte la chambre de mon père (il dort dans le lit simple de Elfi du coup), on la tient éloignée de nos histoires du conseil.

"Kirsten, je crois avoir déjà vu cette femme quelque part, dit-elle en pointant le portrait.

- Ah bon ? En ville peut-être ? Proposais-je.

- Non, à l'aéroport de la capitale. J'attendais mon fils, qui rentrait de vacances au Brésil et...

- Parlez-moi de cette femme ! La coupais-je.

- Et bien, le peintre l'a destiné à Freya, mais ce n'est pas sont nom, n'est-ce pas ?

- Effectivement, elle s'appelle Søren.

- Il ne l'avait pas appelée comme ça... Pensa-t-elle tout bas.

- Qui ça, "il" ?

- Elle était avec un homme : grand, blond et beau comme un dieu.

- Je ne comprends pas... C'était il y a longtemps ? Vous l'avez peut-être confondue.

- Non, c'était il y a moins d'un mois, une semaine ou deux avant la tempête, avant que les avions ne soient bloqués.

- Même si vous attendiez votre fils, vous savez de quoi ils parlaient ?

- Je n'en ai aucune idée Kirsten, honnêtement. Seulement, ils se sont fait remarqué puisqu'ils se disputaient dans une langue que nous ne connaissons pas."

Finalement, le monde est petit, il a fallu que cette femme ait croisé ma mère pour que j'en apprenne plus sur ses activités avant sa mort.

Freya était magnifique, elle n'avait de comptes à rendre à personne, elle était un esprit libre et ses activités, ses relations, son passé ne concernaient personne. Je ne l'avais jamais vue énervée, maintenant que j'y pense, cet homme avait dû être réellement insupportable pour la faire sortir de ses gonds.

Pour ce qui est de discuter dans un idiome inconnu, c'est pas étonnant ! Je me souviens d'un appel de l'hôpital de la ville : un homme en état de choc refusait tout soin et personne ne comprenait sa langue. Elle était polyglotte, alors elle avait été bien utile à décrypter les hurlements du patient. Il parlait hindi et son anglais était laborieux à comprendre puisqu'il roulait les r, il était Indien.

D'ailleurs les langues étaient un sujet sensible avec ma mère, elle voulait me persuader d'en apprendre beaucoup. Du coup, j'ai deux langues maternelles, mais j'avais toujours refusé de faire plus. Sans me livrer sa propre histoire, elle essayait de me convaincre. Tout prend du sens maintenant : c'est sûr que, vu ses origines, les langues avaient dû être vitales pour changer de pays.

24 jours en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant