La calme avant la Tempête

9 2 1
                                    

Mon père finit sa tisane de saule blanc et de reine-des-prés, c'est un substitut à l'aspirine. Birigt m'apprend beaucoup de choses et je les retiens vite. Bref, son mal de crâne ne s'était pas arrangé quand son téléphone avait sonné. Encore moins quand j'avais entendu Sonia dire ces mots :

"Mon fils... Mon bébé !! Il a été tué !!"

C'est la voix de Sonia, son petit dernier, dans la classe d'Elfi : tué ! Mon père n'en revenait pas, il n'a pas eu le temps de lui répondre qu'elle avait raccroché pour appeler quelqu'un d'autre, j'imagine. 

Gunner doit aller au travail, mais sa gueule de bois et cette nouvelle ne vont pas l'arranger ! Je vais devoir partir en cours et... Elfi aussi.


"Chérie, prépare un sac pour quelques semaines, tu pars avec ta sœur chez ma tante, Brigit.

- Papa, non, s'il te plaît, tu ne peux pas m'interdire de sortir.

- Oh si je peux : parce que je suis ton père et parce que je m'inquiète pour toi.

- T'es pas mon père ! Emmène Elfi si tu veux, mais je refuse de vivre dans la crainte de ce malade, il ne cherche que ça !"

Il l'a mal pris, ses yeux se sont troublés et il s'est mis à pleurer. Elfi, qui avait tout entendu, est allée le serrer dans ses bras frêles.

J'en ai trop fait, je crois, j'ai fait une valise pour Elfi en lui mettant sa plus belle robe, son pyjama préféré et son coussin en forme de cœur. Je lui ai laissé dans l'entrée et je suis partie dans la voiture de Jasper. Lorsque je leur ai annoncé la nouvelle, ils furent sous le choc.

"C'est la première fois que l'on attaque directement un membre du conseil ! S'alarma Jean.

-  Ne le prend pas mal Kirsten, ajouta son mari.

- Vous avez raison, mais Sonia était effondrée. Elle va prendre des mesures drastiques dès qu'elle séchera ses larmes. Dis-je."

Les jumelles étaient médusées, si bien qu'elles ont lâché leurs portables et posé des questions sur le devenir de cet événement.


Au lycée, j'ai retrouvé mes amis. On a eu anglais, ma matière favorite ; biologie où la prof nous a fait un hors-sujet sur la fameuse tempête qui se dirigeait vers nous pour dans quelques jours au plus et enfin le premier jour officiel d'entrainement des cheerleaders.

Bien que mon programme chargé et intéressant occupe une partie de mon esprit, mes pensées vagabondaient autour de ce tueur en série. On ne peux pas être certain que ce soit lui, mais mon instinct insiste, il me dit que cet homme mystère a commis tous ces crimes et qu'il n'était pas prêt d'arrêter.

Le sport m'a fait du bien, comme un courant d'air frais dans ma tête, à la fin de notre séance intensive, après les douches, nous sommes allées rejoindre les rugbymen. Ils faisaient du ventro-glisse sur la neige, en descendant la colline à toute vitesse, accrochés aux "boucliers" qu'ils utilisaient pour les plaquages.

Léopoldine m'entraîna de force sur une des luges improvisées. C'était tellement bien que j'y étais même retournée seule. La montée d'adrénaline, le froid, les gouttes de neige qui me refroidissent le visage, je suis réceptionnée par un certain hockeyeur dont le regard un peu trop langoureux me donnait envie de le frapper. Mais l'émotion négative partit lorsque je vis Léo et Kloë faire la descente ensemble. Soit disant tous les autres boucliers étaient pris... Mouais.


Le soir, j'étais seule chez moi et avais un tas d'une centaine de polycopiés qu'avaient donné les professeurs en prévision de la tempête. 

Ils conseillent de ne pas sortir, blablabla. On connaît la musique, on sait aussi que les nouveaux en ville n'auront pas mesuré l'ampleur du danger et continueront leurs sorties jusqu'à ce qu'ils voient un accident ou en fasse partie... Encore une fois, l'alarme à la tempête est sonnée bien en avance, le temps que les professeurs qui viennent de loin aient quelques jours pour partir et épargner aux élèves deux/trois jours de cours.


Mon père ne m'avait pas parlé lorsqu'il était rentré, je l'avais blessé, je m'en veux. Mais décider de me cloîtrer jusqu'à ce que la police mette la main sur ce salopard : c'en était trop ! 

Finalement, j'ai voulu me lancer en sortant un "écoute, je sais que c'est dur, mais...", seulement il l'a dit en même temps que moi. J'ai donc voulu le laisser parler : "vas-y !", encore en même temps. On se serait cru dans un film comique, toute la tension qui m'habitait depuis le début de la soirée s'est relâchée et j'en ai ri jusqu'à pleurer. Enfin, il reprend aussi son souffle et me demande pardon d'avoir essayé de m'écarter.

"Idem, je m'excuse P'pa, je ne pensais pas ce que je disais. Et puis, même si on n'a pas le même sang, on a la même passion pour le chocolat chaud, alors bon...

- Maintenant que c'est réglé, tu as une invitation officielle du conseil pour l'arrivée d'un des futurs délégués qui revient de ses brillantes études de droit de la capitale !

- Très bien ! J'imagine que c'est bientôt, ou alors après la Tempête ?

- Demain après-midi, heureusement que tu n'as plus cours !

- Nickel, j'y serais !"

Mon père allait s'en aller dans l'atelier où il réparait sa moto-neige, mais je le retins.

"On se prend un chocolat ? Viens, on est que nous deux pour quelques temps alors autant qu'on soit à l'aise !"


Après deux chocolats chauds, du chocolat froid à la liqueur de framboises et un verre de vodka, mon père m'a invité le lendemain à l'aider à son travail. J'en avais été ravie, mais je lui avais précisé que j'irai manger en centre-ville avec des amies. C'était, bien sûr, faux. Mais j'étais toujours en quête d'une domestique et une maison saine serait sûrement le meilleur cadeau de Noël que je puisse offrir à mon père.

24 jours en enferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant