Mon Rêve (Lettre À mon frère)

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Cher Ralph,

Couchée à plat ventre sur le lit, entourée de mes bouteilles d'alcool et cigarette à la main, je t'écris cette lettre tout en écoutant cette musique qui vient de chez la voisine, « RENMEN AYITI » de Luck Mervil. On dirait que ce Mervil ne fait qu'exprimer mes sentiments mais en des mots beaucoup plus intelligents. Ce peuple est fini, le pays est méprisé par ses enfants. Haïti longtemps appelé « Perle des Antilles » devient la « Poubelle des Antilles ».

Nous  sommes  le  20  décembre,  on  peut  compter  sur  les  doigts  le  nombre  de maisons  décorées,  les  stations  de  radio  diffusent  à  peine  des  musiques  ayant rapport à la Noël. Nous perdons toutes nos valeurs au profit de l'étranger, même nos  mœurs  et  notre culture.  Notre  jeunesse  ignore  certains  écrivains  de notre littérature et les chanteurs qui nous berçaient les oreilles de leur magnifique voix. Ils étaient les porteurs de message de toute une nation, ils apportaient l'espoir. « Kounya, toutan se yon bagay de polemik, epi se pi pawol sal k ap sot nan bouch yo. »

Qui dira NON à cette tournure que prend cette jeunesse ? Cela pourrait être moi, mais je n'en peux plus, je me suis assez battue. Ce peuple me dégoute. On les prêche la paix et l'amour ils nous jettent des pierres dessus et nous crache au visage. Nul n'est prophète dans son pays, j'aurais dû me fier à ce dicton, mais non, aveuglé par mon amour pour mon pays, je n'ai pas vu dans quelle fosse je me jetais.

Je peux encore entendre les répliques de ces gens qui me regardaient avec dédain. Leurs voix et leurs regards sont devenus mes pires cauchemars sans oublier leurs propos qui se sont transformés en enfer.

« pa okipe egare a non, li konn wè de tèt mòn kontre ? »

« talè. Pe m di w, e pa dwòg ou konn pran, al pran zafè w yo non ? gad pil très nan cheve ti fanm nan non, w a di se pil koulèv ? »

« e pa nou ki konn ap met dife nan mache, bloke lari ak tire wòch la, epi n'ap pale

m de lanmou ak linyon ? gad de salmanaza ! »

Ces propos écris ne sont rien par rapport à ceux qui viennent me hanter la nuit. Les gens ont toujours eu cette haine à mon égard, une haine que je ne peux savoir sa provenance, mais elle a toujours été là. Je ne peux m'habituer à ce regard malgré père  me  regardait  ainsi  durant  toute  mon  enfance.  Parfois,  je  me  demande comment aurait été ma vie si j'avais pris le même chemin de cet être ingrat : la politique. Tu sais tout comme moi comment les gouvernements sont corrompus et tu le sais encore mieux que moi puisque tu travailles au sein de la Maison Blanche.

« L'homme est né bon, c'est la société qui le corrompt » tu as toujours aimé citer cette citation de je ne sais qui, mais je te dis que ce n'est que foutaises ! L'homme se corrompt lui-même en faisant des choix incorrects et il le sait car il est doté de sa raison comme guide...

On dirait bien que je m'égare dans ce que j'avais à te dire : j'ai un rêve ! Pas comme Martin Lutter King, car le sien s'est réalisé. Il m'arrive de dormir et de rêver (quand  mes  cauchemars  ne m'assaillent pas, hein), un  rêve qui pourrait changer beaucoup de choses et systèmes. Un rêve révolutionnaire.

« Je me vois dans un endroit qui m'est totalement inconnu. Les gens sont souriants et s'aiment. Ce n'est pas un endroit ou l'on rencontre des gratte-ciels, non plus ou l'on rencontre des hommes d'affaires influents. Non, ce n'est pas cela, et je t'assure que je suis tombée amoureuse de cet endroit. C'est tout à fait magique. Là, j'ai vu des petites maisons toutes mignonnes, rien d'extravagant. Il y a un vent estival qui fait danser les arbres et les palmiers se font remarquer en se balançant de gauche à droite au rythme du vent. On sent que la paix, la joie, l'amour et l'union règnent dans cet espace. Un coup d'œil vers la mer et je suis complètement hypnotisée. L'eau est d'un bleu captivant, des lames de vague viennent se reposer sur le rivage et le bruit « ppiioouuff » qu'elles font ne sont que douce mélodie à mes oreilles. Le  soleil  est  à  son  zénith,  cela  n'empêche  pas  que  les  oiseaux  chantent  en harmonie.  Jetant  mon  regard  un  peu  plus  loin,  je  remarque  un  groupe  de musiciens entourés de jeunes, d'enfants, d'adultes et de vieillards qui dansent du troubadour, ils ont tous un sourire sur leurs lèvres. Une petite fille vient me prendre la main pour me joindre à la troupe qui danse. Là, je danse, oubliant tous mes problèmes, minimes soient-ils, mes doutes, mes craintes, mes peurs. Fille des Antilles, un coup de tambour, deux à trois déhanchements et tous mes problèmes s'envolent loin de moi. »

Comme je l'ai dit, ce n'est qu'un rêve. Il prend fin à chaque réveil, mais un jour, j'ai la certitude que je le vivrai sans coupure, car c'est mon paradis, c'est endroit inconnu dont je suis tombée amoureuse.

Ta jumelle Raphaëlle


rarakima

À l'ombre d'une Pergola Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant