Ça me revient tout à coup, à la vision d'un éclair fulgurant, la brèche se fit dans mon esprit et la voile membraneuse de ma conscience se déchira pour me mettre en contact avec la réalité. J'avais cette corde dans la main, une corde faite de liane savamment tressée, une corde dans laquelle se diffusait la douce chanson d'espoir que mon être voulait. Un espoir dans lequel j'entrevoyais une solution possible. J'avais cette corde à la main et toute ma douleur fut avalée dans un grand vide chaotique qui se répandait à la lisière extrême de mon âme. C'était de la folie, je sais, quel genre d'homme aurait envisagé de confier sa vie au funeste sort de la corde si ce n'est un lâche, un couard qui ne veut pas affronter la dure réalité des choses et en trouver des solutions.
Oui, je sais, vous allez déblatérer comme de vulgaires choses parlantes que vous êtes, vos sermons religieux vont trouver une cause satanique à mon choix, vous allez jusqu'à me rappeler Judas le grand traitre de l'histoire de l'humanité. Vous allez me refaire le coup du paradis et de l'enfer, vous allez beaucoup avoir, de justification philosophique et morale pour me détourner de ce que je vais me faire, mais je vous dis que votre échec à me faire entendre raison sera couronné de succès car je n'ai point d'oreille. J'ai la tête dure et l'esprit bien fixé, seul filtre l'idéologie de la corde, la douce libération qu'elle me promet, l'asphyxie extasiant, la langue pendue du délivré, le tremplin de l'âme hors de sa cage.
Chère Corde, aujourd'hui, avant que tu ne passes ton anneau autour de ma gorge et que tu lies mon destin au suppôt mortel que fait cette branche d'arbre bien choisie, laisse-moi te dire que la vie ne vaut rien. Tout n'est que peine et trahison. Trahison et déception, déception et tort et le tort nous amène en cet instant précis après avoir tout essayé, après avoir tout tenté. Si je choisis de suivre le courant de ton idéologie ce n'est point par poltronnerie ou lâcheté. Je choisis cette voie pour me libérer du joug de ce malheur importé par les femmes. Ma mort sera une leçon pour elles, pour leur rappeler que cette suprématie féminine qu'elles clament n'est que la politique inversée de ce que les hommes les font subir. Et avant que je te laisse accomplir ta mission, chère corde, laisse-moi te dire que j'ai trouvé l'amour par cinq fois et toutes ces cinq fois j'ai été amèrement déçu. Moi, simple homme qui ne désire que l'amour dans sa plus stricte fidélité.
Que n'ai-je pas fait pour Timari ? Elle était la crème des crèmes des femmes que j'ai passé, Timari Grossemamelle, celle qu'on ne pouvait approcher dans la ville tant elle vous envoyait en l'air sans songer à vous rattraper au vol. Heureusement que moi, j'étais un riche propriétaire terrien, je possédais des bétails par milliers et approvisionnait a moi seul presque toute la capitale en chair chaque semaine. Surtout j'étais éduqué, j'avais le français pointu et cela impressionnait ! Car dans ce milieu, le taux d'illettré était aussi élevé que le faite d'un sequoia qui bat le record de la hauteur. J'étais une référence dans le domaine du commerce, et la vente des volailles étaient la principale cause de l'engraissement de mon portefeuille, jamais on ne trouva dans la région un poulet fait maison plus dodu et comestible que les miens. Néanmoins ma popularité m'avait un peu aidé lorsque j'avais choisi pour cible Timari. J'aurais dû m'en douter, car la première fois que je lui ai parlé c'est avec des « twaze », des « kout je » et un bel « kuipe » qui a résonné si fort que j'ai encore l'impression de l'entendre en écho répété dans mes tympans. Cela ne m'avait pas découragé pour autant, ce n'est qu'après avoir mené sa petite enquête à elle, apprenant ma fortune qu'elle commença à me donner du bon genre, elle me ménagea si bien que lorsque je passais devant chez elle, elle sortait pour me forcer à rentrer et me préparait ainsi dans le même temps des petits plats épicés. L'accueil avait changé et après deux semaines la nouvelle courait que Gérard Bourriquot était ménage avec Timari Grossemamelle. Elle méritait bien son nom car de ma mémoire d'homme je n'ai jamais vu de sein aussi volumineux et voluptueux, on aurait cru que leurs tailles allaient gêner et décourager lors des parties de jambes en l'air... Mais point ne fut. "Tete Timari se bagay ki ka fè yon nonm voye sou li siw pa konn ki melanj ki nan boutèy bann ou".
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À l'ombre d'une Pergola Tome 2
Short StoryÀ l'ombre d'une Pergola! Et nous voila tous réunis encore une fois en ce début d'année pour se conter de nouvelles histoires. Des histoires dont les mots dansent avec grâce et en symbiose autour des sujets délicats qui font parti de notre vie quotid...