- J'ai tant que ça l'air d'un fantôme ? Plaisanta cette dernière.
Murielle ne put rire de son sarcasme.
La femme en face d'elle était vêtue de blanc et était entourée d'un halo.
- Mais tu es...
- Je suis morte je sais, lui coupa sa mère.
Un court silence durant lequel Murielle se persuadait qu'elle rêvait, s'est installée.
- Alors comme ça, tu n'as pas eu d'avion ce soir ?
- C'était donc toi...
Sa mère fit oui de la tête. Elle souriait. Son sourire n'avait pas changé remarqua Murielle.
- C'était toi... répéta Murielle.
Et elle pleura. Évidemment il n'y avait que sa mère pour faire d'aussi beaux dessins d'elle même. Il n'y a que sa mère pour écrire une poésie pareille. Il n'y a qu'elle qui la connaissait aussi bien.
- Vois-tu Murielle, j'ai connu une fille qui chaque matin se réveillait pour aller à l'école avec un sourire éclatant aux lèvres. Une fille rêveuse. Une fille qui n'avait pas froid aux yeux. Une fille qui aime la famille. Mais du jour au lendemain cette fille a disparu pour en faire place à une autre et ça m'a brisé...
Murielle écoutait sa mère sans la quitter des yeux par crainte de la voir disparaître comme elle était venue. Elle lui avait trop manqué... Elle eut envie de la serrer dans ses bras pour le lui montrer. C'était tellement difficile de ne plus l'avoir. De se lever chaque matin et de s'occuper d'elle même toute seule.
- La seule fois que j'ai été heureuse en te voyant pleurer était le jour de ta naissance. Et toutes les autres fois, mon cœur s'est brisé en petits morceaux. Je...
Sa mère s'est arrêté un instant pour reprendre son souffle.
- Je n'ai pas voulu ce qui s'est passé Mury. S'il n'en tenait qu'à moi, j'aurais vécu mille ans juste pour t'empêcher de pleurer ma chère fille. Mais vois-tu nous n'arrivons pas toujours à avoir tout ce que nous voulons. J'ai vu que tu voulais t'effondrer... J'ai senti autant que toi les déchirures des rasoirs avec lesquels tu te mutilais pour en finir. J'ai eu mal... J'ai senti ta douleur et je ne le supporte pas Mury... Je ne supporte pas que tu te fasses tout ce mal. Le soir du premier dessin, j'ai senti que si je n'intervenais pas tu allais faire souffrir ton père, ton frère et ta sœur tout comme je vous ai fait souffrir...
Les pleurs de Murielle doublèrent en se rappelant des projets qu'elle avait eus ce soir-là. Elle voulait mettre fin à sa vie en avalant un flacon de comprimés. Recevoir ce dessin l'en avait empêché, mais elle ignorait encore que c'était l'œuvre de sa mère.
- Murielle il m'est impossible de savoir à quel point tu dois avoir mal. Il m'est impossible de savoir à quel point je te manque...
Les sanglots de la jeune femme coupa sa mère.
- Pourquoi maman... Pourquoi t'es morte ?
- Je l'ignore la fille, mais je ne pense pas que ta mort sera bénéfique à quiconque mon enfant.
- Je n'arrive juste pas à oublier. Je n'arrive pas à me sortir l'image de ton corps inerte sur ce trottoir. Pourquoi est-ce toi et non quelqu'un d'autre que ce camion a percuté ? Tu ne méritais pas ça maman. Pas toi. Et je ne peux pas vivre sans toi.
- Chuuuut... Personne ne mérite ça Murielle. Tout ce que je peux te dire c'est qu'il nous est impossible d'échapper à la mort. Elle commence à nous guetter dès la seconde où nous commençons à respirer.
Murielle s'effondra. Son visage était noyé de larmes. C'était la première fois depuis que sa mère était morte qu'elle en parlait. Elle avait préféré porter son chagrin pour elle même refusant de faire du mal au reste de sa famille. Sa mère était bien en face d'elle, mais elle avait conscience qu'il serait impossible de la toucher. Elle était là sans l'être vraiment.
- Murielle... Je veux que tu me promettes que tu n'essayeras plus de vouloir en finir. Tu es bien trop forte pour commettre une telle lâcheté. Promets-moi que tu vivras pour ton père, ton frère et ta sœur. Ils ne supporteront pas que tu les abandonne. Ils ont besoin de toi. Ils ont besoin de ta force. Sans toi ils ne sont rien. Je sais que c'est dur mais... Me promets-tu d'essayer sans moi ?
Murielle ne sût quoi répondre, mais elle acquiesça de la tête. Elle vit sa mère sourire et lui tourner le dos. Elle comprit qu'elle allait partir.
- Maman...
- Oui ?
- Ne devrais-je pas avoir un avion ce soir ?
- Il a atterrit à tes pieds Mury.
Murielle vit l'avion de papier, et lorsqu'elle releva la tête le spectre de sa mère avait déjà disparu. Elle prit l'avion dans ses mains et l'ouvrit.
Le dessin représentait Joe, un ami et elle qui riaient à gorges déployés. Elle lut les mots de sa mère à haute voix :
· « Si vraiment tu veux encore essayer, tu devrais commencer par accepter les invitations de ce jeune homme que tu aimes bien Mury... »
Murielle sourit et posa sa main sur le tronc du grand mapou. Elle le sentit qui frémissant et elle y entendit le rire cristallin de sa mère. Elle rit à son tour. Elle sentit son cœur se libérer d'un lourd fardeau. Le poids de ce qu'elle n'arrivait pas encore à accepter. Son père a raison, les âmes de tous ceux qui meurent dans sa famille reposent dans l'arbre...
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À l'ombre d'une Pergola Tome 2
Historia CortaÀ l'ombre d'une Pergola! Et nous voila tous réunis encore une fois en ce début d'année pour se conter de nouvelles histoires. Des histoires dont les mots dansent avec grâce et en symbiose autour des sujets délicats qui font parti de notre vie quotid...