De Un, De Deux et De Toi

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Histoire Contée sous les Tonnelles du Houngan Dieusilòm

- Je l'aimais de tout mon cœur. Miralda qu'elle s'appelait. Chaque fois que je la voyais, je me cachais derrière un bout de mur pour la contempler. Une Marabout montée comme une Gazelle sauvage. De la beauté à l'état pur. Forte sur ses jambes bien cambrées, des fesses en morne La Vigie, son ventre plat comme du tablette de Kokoye, des seins de pamplemousses juteux. Et son visage, Quel œuvre d'art ! Sculpté dans de la glaise. Sur son passage, dans cette démarche de "Fait des dettes, moi, je paie", flottait cet odeur de Cerise. Je me demandais parfois si elle en avait même le goût.

La première fois que j'ai pris mes babouls dans les mains et décidé à aller lui parler, elle ne daigna même pas à se retourner sur mon coup de "Mam'zelle". J'avais reçu un coup de poignard dans le cœur, mais il ne cessa, en aucun point, à se battre pour elle. Je me disais tout simplement que c'est moi qui ne l'avais pas hélé assez fort. Ce ne serait pas étonnant car j'avais senti ma gorge se corder quand fusait mon appel.

Mais depuis ce jour, en gros "Mawozo" que je suis, je ne m'imaginais plus lui adresser la parole. Moi, homme laid comme les sept péchés capitaux. Chaque fois que je voulais lui courir après, mes jambes devenaient lourdes. Et pourtant, j'avais tant de choses à lui dire. Je voulais déverser sur elle cet ouragan de mots qui me ravageait. Qui ravageait mon cœur.

Je voulais lui dire qu'elle faisait battre mon cœur "bip bip bip", comme un tam-tam de Nègre Ginen annonçant le mariage entre la nature sauvage et l'harmonie des Anges. Angelica. Le nom que lui avait donné mon cœur. Bout de feu sous la bobèche de mon amour tête gridape. Assorossi de ma bouteille bois, chaque fois que je pensais trop à elle. Je veux être sa manche pilon, pour la pilonner comme les serviteurs de celui d'en haut pilonnent celui d'en bas imaginaire. Je voulais lui faire connaître ce qu'elle me faisait faire les soirs. Dieu seul le sait. Je voulais lui dire que ses yeux de boule La Lune Quatorze me rendait fou dèk-dèk d'amour. Que je la voyais dans chacune des autres femmes que je croisais. Miroir. Je la voyais même dans l'eau que je buvais, avec la satisfaction qu'elle irait droit vers mon cœur. Un ajoupa que j'ai bâti avec mes sentiments les plus tendres, prêt à la recevoir.

La lodyans était penchée à ses lèvres. Sous les tonnelles du Houngan Dieusilòm, le silence régnait. Curtis Hassan, le flanneur de la cité, sirotant un bois cochon. Boss Gérard, Osman, Nanditwòp, Deliyen, même Dieusilòm était là, attendant avec les autres la fin de l'histoire. Pendant ce temps, le conteur pris un coup de grog dans les mains de Curtis avant de Continuer.

- Ou koumanse fè nou tann tròp, konte nou kouman sa fini rapid nèg, Nanditwòp perdait déjà patience.

- Sa ou genyen ou prese konsa? Tann nèg, pasyans. Bon, comme aime le répéter Curtis " la vie ne donne jamais deux peines à la fois". Un jour, pendant que je coupais du bois pour le vieux au bord de la rivière. Voilà que Mam'zelle était venue faire de la lessive. Mon l'horloge a failli chavirer messieurs. Elle avait mis un "chouk kanson " qui laissait apparaître toute sa forme. Ses cuisses, du bois d'ébène raffiné. Bien poli. Je ne vous le cache pas mes amis, depuis qu'elle marchait vers moi, la cuvette sur la tête, la hache avait déjà glissé de ma main. Je la regardais comme on disait que Quasimodo regardait Esméralda. J'ai vu sa bouche s'ouvrir. Ces dents, perles de gouttes de Lune, brillaient derrière cette barrière de chair pulpeuse. J'avais envie de la dévorer. Ces lèvres se fendirent en un sourire tête chargée.

- Monsieur... Monsieur...

Ce n'est qu'au deuxième hèle que je me suis extirpé de la magie de sa voix. Je n'en croyais même pas mes oreilles. Elle me regardait dans les yeux. Elle m'avait hélé. Je regardai derrière moi, afin d'être sûr.

- Oui, Mam'zelle. Que puis-je pour vous?

- Je voulais vous demander de l'aide afin de mettre cette cuvette à terre.

Je l'aidai à prendre la cuvette sous le martèlement de mon cœur en émoi. Et Puis, je me suis dit que nulle autre occasion ne se présentera.

- Une aussi belle fanm que toi ne devrait porter chose aussi lourd. Aux risques de te blesser. Tu sais, je t'observe depuis quelque temps ...

Même moi je me suis demandé qu'elles sont ces anciennes manières que j'étais en train de mettre sur table. Mais ma bouche qui avait tant attendue n'a pas voulue s'arrêter. Et son sourire, pendant qu'elle parait ses affaires de lessive, me disait de continuer.

J'ai vidé sur elle tout ce qui se cachait en moi pour elle, et si je vous dis ça, je vous dis rien, tellement que je lui ai dit des paroles. Elle était restée là à m'entendre, souriante, et cadençait mes paroles coloquintes aux sons des "tchuit tchuit" de sa lessive. J'ai passé la journée avec elle. A casser des petits bois dans ses oreilles. A l'aider rincer et a tendre les habits. C'était la meilleure journée de ma vie mes amis.

Silence. Ils dégustaient le grog, le griot et le vent frais ...

- Aahhh que le temps passe vite. Curtis passe-moi un dernier coup de grog... Déjà un an depuis ce jour-là. Un jour comme aujourd'hui. Curtis m'avait saoulé tellement que j'étais content. Un décembre pas comme les autres.

Il se leva, et s'étira.

- Bon! Mes amis je vous laisse, Miralda devrait être déjà à la maison. Elle était allée faire des provisions pour le réveillon, ce soir.

... Ce vent frais qui se faufilait sous les tonnelles de Dieusilòm. Curtis continuait de couler son grog, l'esprit ailleurs. Nanditwòp se tapait un cabicha. Dieusilòm se leva pour aller préparer les festivités de ce soir. Osman, Boss Gérard, et Deliyen se préparait à aller coller des dominos pour passer le temps. Ces amis. Il ne pouvait rester avec eux. Ils se verront tout de même dans la soirée, lors des festivités de Dieusilòm. Mais, Il s'était promis de toujours passer ce jour avec elle. Il ne pouvait rester cette après-midi de Noël. Ce jour est béni pour lui, lui TiWil. Oui, un vingt-quatre décembre. Un jour de Noël. Il se mit à sourire. Tout en pensant au plus profond de lui:

- Merci Père Noël. Merci Mère Nature. Joyeux Noël a Vous ...


DameusTigerGoethe


À l'ombre d'une Pergola Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant