Nous étions bien ensemble

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"Nous étions bien ensemble" pensa-t-il.

Un courant d'air s'abattait contre les volets de cette chambre; sombre, ces derniers délabrés, poussiéreux; par lesquels s'infiltrait une fine lueur de soleil. Quelle heure est-il d'ailleurs? Aucun élément de réponse. La seule chose, nous étions cinq jours après cette dispute, selon ce qu'indiquait un calendrier, éventé de temps à autre par le fameux courant d'air.

Justement, il -le fameux courant d'air- venait de renverser, dans un silence, un calme plat; un gobelet plastique bleu, qui alla dessiner, au bout de sa chute, les notes d'une mélodie, assez brève, criante et résonnante.

Cette mélodie, il l'avait entendu. Ses oreilles y prêtèrent attention aussitôt que ses yeux s'y détournaient. Vivement, il les orientait vers les fenêtres. Celles-là qui laissaient s'introduire cette marée de vent frais. Il les accusait à tort. Maintenant, l'odeur de mites, humide, lourde, tantôt adoucie, s'était faite comme éperonnée, pour s'élever grandiloquente, à travers les moindres recoins de cette antre, même de ses narines, qu'il tentait de cacher, du long de son index.

"Pourquoi ai-je agi de la sorte?"

Inconsciemment, ses yeux parcouraient la salle, de regards furtifs, ne s'attardant sur aucun objet. L'assiette vide, sur la table devant lui. Une pile, crasseuse dans l'évier, au loin, un frigo que sa mémoire lui rappelait presque vide. La serpillière aux tresses raides. Le gobelet bleu. Le parquet tant sali qu'il lisait l'empreinte de ses derniers pas pour venir à cette table. Les autres chaises, rentrées autour de cette table.

"Ça va mal, et tu me manques."

Il se pinçait maintenant le bout d'un doigt. Pour être précis, il se faisait un ongle. Il y appliquait une pression si grande que ses mâchoires supérieures et inférieures ne voulaient faire qu'une. Quelque chose lui rongeait l'âme, et ce bout d'ongle n'était qu'un palliatif à sa douleur. Machinalement, il se tailla en moins d'une, le bout de ce doigt. N'en restait plus que neuf.

"Pourquoi j'ai fait ça? Pourquoi? S'il te plaît, reviens!"

Il se renfrognait à chaque fois, encore plus, dans sa couverture contre le froid, s'embrassant les côtes. Il tournait la tête par ci, par-là, pour revenir se plonger dans le fond de l'assiette vide. Sa peau ternie, le visage blême, les lèvres quelque peu fendillées, un nez qui fumait difficilement l'air froid de la salle.

Dans ses yeux se lisait une peur. Une crainte. Tout l'effrayait. Il devait avoir peur même de sa personne. Du dedans, une sensation de remord le ravageait. Il s'en voulait. Tout ce qu'il a du faire dans un passé pas trop lointain. Ce qu'il a dit. Il avait causé de la peine à plus d'un; par la suite, se faisait du mal.

Il se rapprocha au dossier de sa chaise, doucement pour expirer lentement, une nouvelle bouffée. Ses paupières se refermaient peu à peu, pour faire place à ce lieu de tranquillité, sombre; propice à la projection de ces souvenirs qui hantaient sans cesse son quotidien.

Il la voyait prendre les escaliers, une fille à ses côtés. Un bruit sec, bruyant, de talon pour femme, retentissait dans tout l'habitat, jusque vers une mallette, qui reposait à deux pas de la porte d'entrée. Elle saisit rageusement la manche pour la traîner, fit tourner la serrure, suivit la fille et referma la porte, le plus énergiquement qu'elle put, dans un vacarme qui ne laissait derrière lui, tristesse et désolation des deux côtés de cette porte.

 Elle saisit rageusement la manche pour la traîner, fit tourner la serrure, suivit la fille et referma la porte, le plus énergiquement qu'elle put, dans un vacarme qui ne laissait derrière lui, tristesse et désolation des deux côtés de cette porte

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À l'ombre d'une Pergola Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant