The Ashtray

Interlude

"Lassie? La-ssie!"
Les mains en porte-voix, Hope marchait dans les rues de la ville, inquiète. Il était minuit. L'adolescente savait bien qu'elle n'aurait pas dû se trouver là, et elle espérait que sa mère n'ait pas remarqué sa disparition.

Mais l'adolescente, un peu rebelle et très volontaire, exaspérait d'avoir encore à poursuivre sa chienne. Lassie, dôtée du même caractère que sa jeune maîtresse, prenait en effet un malin plaisir à disparaître dans les moments les plus incongrus: au milieu de la nuit par exemple.
Mais le vent, porteur d'obscurité et de plaintes égarées, soufflait fort ce soir-là, et les nuits d'automne étaient fraîches. Hope pouvait sentir la main glacée de l'hiver qui, s'approchant doucement, s'infiltrait sous ses vêtements, dans ses veines, et parait jusqu'à ses os de mille épines de neige.

Grelottante, ses cheveux en bataille agités par le vent dansant devant ses yeux, elle se décidait a rentrer, abandonnant là ses recherches. C'est alors que le gémissement aigu des sirènes du SAMU, tout près, attira son attention. L'adolescente, d'un naturel curieux, se précipita pour voir ce qui se passait. Déjà, un petit attroupement s'était formé autour de la berge, juste à côté d'un petit pont qu'elle n'avait jamais vu et dont elle ignorait le nom.

"Qu'est-ce-qui se passe? demanda-t-elle en jouant des coudes pour tenter d'apercevoir quelque chose.
-C'est un gosse, répondit une dame, la voix choquée de ceux qui aiment le scandale. Il a sauté.
-J'ai tout vu, affirma un homme, il est monté sur la ballustrade, j'ai cru qu'il faisait un pari ou qu'il était ivre mais non! Il s'est retourné et il a sauté.
-Il a heurté l'eau, bam! Comme une pierre.
-À mon avis, il s'est cassé quelque chose.
-Il s'est noyé, regardez! Il ne respire plus. Ils lui mettent un masque.
-Tu penses qu'il va s'en sortir?
-C'est possible. Le pont n'est pas si haut que ça. Mais s'il n'a plus envie de vivre, je ne sais pas s'il ne risque pas de se laisser crever.
-Mon Dieu, quelle horreur!
-Un enfant..."
Muette, l'adolescente se dressa sur la pointe des pieds et parvint, l'espace d'un instant, à entrevoir le noyé. Pâle, ruisselant d'une eau noire, il gisait, immobile, sur un brancard blanc, la face couverte d'un masque qui cachait son visage. Pétrifié, on aurait dit une statue de marbre, au détail près qu'il était maigre, et qu'il avait l'air mort déjà. Il avait la nuit pour linceuil.

Choquée, l'adolescente ferma les yeux et, tournant les talons, se hâta de s'enfuir pour retournee chez elle, dans la douceur rassurante de son appartement.