Chapitre 10 : Balade au zoo

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La pièce était dans le noir complet. Impossible de voir quoi que ce soit. Mais si la vue n'avait plus d'importance, les autres sens le remplaçaient.
   Une respiration, lourde. Comme si l'on avait du mal à respirer. La moiteur de la pièce fit rouler une goutte de sueur sur son cou. Une vague odeur de transpiration, de tapisserie, de chaleur et de papier.
    Soudain, une lumière s'alluma. Une petite lampe renvoyait son éclat sur un bureau, pas très large.  Les reflets oranges-rouges dessinaient des flammes sur la table de bois. Une enveloppe et une feuille de papier y reposaient et semblaient attendre que la personne s'approche. Ce qu'elle fit.
   Koffi s'arrêta devant le bureau. La chaleur lui semblait insupportable. Et dire que le jour n'était même pas encore levé ! Il passa une main moite derrière son cou. Il n'arrivait pas à se détendre, malgré son calme apparent. Le jeune homme détestait quand Elle le faisait venir aussi tard. Il n'avait même pas eu le temps de s'habiller ! Il jeta un coup d'oeil à son caleçon noir, son seul vêtement, et se sentit dégoûté. Elle n'avait pas pour habitude d'espionner les gens, mais qui savait ? Il tira la chaise et s'installa. Il s'empara du crayon qui trônait à côté de la feuille de papier et commença à écrire :

                     J'en ai trouvé une. C'est étrange : j'ai rarement vu quelqu'un d'aussi faible, et parfois lâche par-dessus le marché. Pourtant, elle a un vrai potentiel.

Il s'épongea le front avec le revers de son avant-bras. Était-ce juste lui, ou la température avait encre augmenté ? La pièce était une véritable fournaise. Il n'avait qu'une envie, sortir d'ici. Néanmoins, il poursuivit sa lettre :

                    Chère XXX, j'ai trouvé le Lion. Faites passer l'information.

                                                 ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Roxane avait une nouvelle technique : à chaque fois que Kevin et sa bande  était en vue, elle se précipitait auprès d'un professeur ou du CPE, et commençait à lui poser des questions sur tous les articles du règlement de l'école. Parfois, quand elle était  à court d'idées, elle s'asseyait dans un coin, avec un livre, juste en face de la salle des professeurs. Position stratégique s'il en est : elle devenait intouchable.
    Grâce à son entrainement, sa condition physique s'était grandement améliorée : elle était passée du corps de mollusque à celui d'une adolescente normale, voire en forme. À force de courir comme une forcenée aux entraînements de krav-maga, Roxane s'était aperçue que ses jambes n'étaient pas des poids morts, mais de vraies ailes. Elle l'avait compris lors de la course-poursuite, mais chaque leçon lui faisait comprendre à quel point son corps était un instrument, malléable à sa seule volonté.
   De plus, fait étrange mais pas désagréable, depuis son affrontement public avec ses harceleurs, certains élèves semblaient être de son côté. Oh, c'était très discret, mais tout de même : la situation avait indéniablement changé. À présent, on lui adressait la parole, ne serait-ce que pour lui demander l'heure, ou encore on lui prêtait des livres de cours. C'était peu, mais il fallait un début à tout.
   Quelques mois plutôt, ce retournement de situation l'aurait ravie. Maintenant, la jeune fille ne ressentait pas grand-chose par rapport à tout cela : elle n'avait pas envie d'éprouver de la reconnaissance avec des gens qui l'avaient ignorée quand elle était au plus mal, ou pire encore, devenir amie avec eux.

Elle mordillait le capuchon de son stylo, l'esprit ailleurs. Le professeur de maths avait beau parler, impossible de se concentrer. Elle rejeta la tête en arrière : de toute façon, elle avait déjà compris la leçon. Ça aussi, ç'avait changé. Elle n'avait plus aucune envie de jouer les idiotes juste pour se protéger.
   Elle en était là de ses réflexions quand son téléphone vibra dans sa poche de jean. Roxane jeta un coup d'oeil discret au professeur : lui aussi semblait s'ennuyer, il regardait par la fenêtre tout en déblatérant son cours. En un mouvement, elle sortit son téléphone et le plaça sur sa table, le dissimulant derrière sa trousse. C'était un message de Koffi :
« -Quand es-tu libre ? »
Elle pianota discrètement sur l'écran.
« -Pas ce soir, mes parents rentrent plus tôt. Mercredi après-midi ? »
La réponse ne se fit pas attendre.
« -OK, rendez-vous devant ton lycée après les cours, viendrai te chercher. »
Tout aussi discrètement, Roxane rangea le téléphone dans sa poche avant de reporter son attention sur les paroles du professeur.

L'esprit du lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant