Chapitre 2

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La vibration de son téléphone sur le comptoir de la cuisine résonna soudain violemment. Roxanne sursauta, mais ne bougea pas. La lame la fixait toujours. Mais le son criard continuait de se réverbérer dans la pièce. Avec un soupir, l'adolescente attrapa l'objet et sortit de la cuisine, avant de décrocher :

« Allô ?

-Coucou ma chérie ! » s'exclama une voix joyeuse à l'autre bout du fil.

« Maman... » fit Roxanne en fermant les yeux.

Sa mère poursuivit, sans se rendre compte de rien :

« Je t'appelle pour te dire que je rentrerai un peu plus tard que prévu ce soir.

-Ah... Je comprends... »

La jeune fille soupira discrètement. Elle ouvrit la bouche, hésitante. Elle avait envie de dire quelque chose à sa mère, n'importe quoi. Mais elle laissa passer sa chance : quelqu'un interpella sa mère. S'ensuivit une courte discussion, incompréhensible pour Roxanne. Une minute ou deux s'écoulèrent avant qu'elle n'entende à nouveau :

« Je suis vraiment désolée ma chérie. Écoute, je dois y aller, j'ai un dossier important à finir. N'oublie pas que je t'aime, ma chérie ! »

Elle raccrocha. Roxanne, la gorge serrée, murmura dans le vide :

« Moi aussi maman. »

Elle laissa son bras retomber le long de son corps, serrant le téléphone entre ses doigts. Son regard se porta vers la cuisine, où l'on apercevait toujours l'éclat du couteau sous la lumière crue des ampoules.

Elle avait voulu se tuer ! La réalisation la frappa comme un mur de briques. Comment de telles idées avaient pu lui venir en tête ? Roxanne se revit dans la cuisine, à moitié en transe près de la lame. Ses jambes tremblèrent soudainement, prise d'horrible envie de vomir. Tout à coup, elle se mit à courir, dévala les marches menant au premier étage et claqua derrière elle la porte de sa chambre.

Elle tira sa couverture d'un geste vif et se glissa dessous. La jeune fille se roula en boule sous le tissu rembourré et ferma les yeux, fort. Son souffle haletant remplissait peu à peu l'espace restreint ; sa cachette ne tarda pas à devenir étouffante. Mais Roxanne refusait de soulever la couette, ne serait-ce que pour gagner un peu plus d'oxygène.

Même quand ils n'étaient pas là, ils l'effrayaient. C'était comme si leurs ombres s'attachaient à ses pieds, élevaient leurs mains crochues jusqu'à sa tête et venaient lui souffler à l'oreille les horreurs les plus noires.

« Laissez-moi tranquille !!! »

Le cri déchira l'air et elle sortit brusquement la tête de sous sa couverture. Lentement, le monde autour d'elle reprit un peu de son sens. Elle s'assit lentement en tailleurs sur son lit. Les larmes qui perlaient au coin de ses yeux vinrent rouler silencieusement sur ses joues.

« Laissez-moi tranquille... »

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Une plâtrée de pâtes au thon atterrit lourdement dans l'assiette vide. Le père de Roxanne reposa la grosse cuillère dans la casserole et s'assit. Sa fille le regardait en souriant.

Ce soir-là, comme prévu, sa mère avait été forcée de rester à son travail : Roxanne mangeait donc en tête à tête avec son père. Bien que l'absence de sa mère la rende triste, l'adolescente était ravie de passer un moment seule avec lui. Son temps était généralement gaspillé dans des rendez-vous avec des clients ; pouvoir manger avec lui et profiter de sa présence durant une soirée entière lui donnait l'impression de profiter d'un grand privilège.

L'esprit du lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant