Chapitre 15 : Confrontation

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La voix de Roxane fut couverte par celles des autres élèves. Elle fixait la directrice. Cette dernière continuait de parler mais Roxane n'écoutait plus.
Ils étaient réveillés, ils avaient vu ce qui s'était passé mais ils n'avaient rien dit. Pourquoi ? Peut-être par honte : se faire tabasser d'une telle manière par une fille qui ne leur arrivait pas à l'épaule devait être dur à assumer... Ou alors, pire que de se faire ridiculiser, ils craignaient qu'à son tour elle ne dénonce ce qu'ils avaient fait. Après tout, elle avait bien plus souffert qu'eux.

La masse d'élèves se mit en mouvement ; machinalement, Roxane se dirigea avec eux vers la sortie. Elle réfléchissait toujours et, au fur et à mesure que la journée s'écoulait, moins elle trouvait ses hypothèses crédibles. La honte, ils pouvaient s'en accommoder. Quant au harcèlement dont elle avait été l'objet, ils pouvaient nier en bloc. Elle n'avait aucune preuve et, contrairement à eux, n'avait jamais fini à l'hôpital. Elle serra le poing. Quelle idiote elle avait été ! Comment avait-elle pu céder ainsi à sa colère ? Elle n'était pas stupide, elle avait compris de quoi elle était capable, entre les cours de krav-maga et l'incident au zoo. Et puis, il y avait eu ce second reflet...

Elle frissonna. La scène se rejouait dans son esprit : le lavabo des toilettes, elle incapable de s'arrêter de pleurer, son double fantomatique aux yeux dorés flottant dans le miroir... qui lui chuchotait de telles choses...
La rouquine regarda autour d'elle. Elle était sur le chemin du retour, immobile sur le trottoir. Il n'y avait personne d'autre qu'elle d'un bout à l'autre de la rue. Elle sortit son portable de sa poche. Ce soir, elle était censée rentrer tôt pour faire ses devoirs du lendemain. Elle leva la tête vers le ciel quelques secondes, pensive, puis se remit en marche. Cependant, au lieu de s'arrêter à la porte de son immeuble, elle continua d'avancer jusqu'à l'arrêt de bus où elle se laissa tomber sur le petit banc. Il fallait qu'elle tire les choses au clair.

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« Bien. Maintenant, je n'ai plus le droit à l'erreur. » Roxane prit une grande inspiration, remercia rapidement le médecin qui l'avait conduite jusqu'à la chambre puis poussa la porte.
C'était une pièce assez vaste avec trois lits. Roxane fronça le nez : l'odeur de l'hôpital et du désinfectant lui piquait le nez et l'incommodait. Elle repoussa doucement la porte, qui fit un petit « clac ! » en se fermant.

L'un des garçons releva la tête, intrigué. Son visage se décomposa quand il la reconnut. Il se redressa précipitamment dans son lit en s'égosillant :
« Qu'est ce que tu fais là, toi ?!
-Du calme...
-Non ! Dégage d'ici ! Ça t'a pas suffit la dernière fois ? »

Le sang de Roxane se mit à bouillonner. S'intimant au calme, elle répondit d'un ton égal :
« Je ne suis pas là pour vous frapper, pas plus que pour m'excuser. Je suis venue pour que vous répondiez à mes questions.
-Ah ouais ? Et pourquoi on ferait ça ? Après ce que tu nous a fait-
-Et ce que vous m'avez fait, tu t'en rappelles ?! »

Elle plaqua sa main sur sa bouche, comme pour retenir son cri. De son côté, le jeune homme s'était ratatiné au fond de son lit. Un silence s'installa, chacun jaugeant la réaction de l'autre. Pour la première fois, la rouquine remarqua l'imposant bandage qui lui recouvrait la moitié du visage. Presqu'à contrecoeur, elle lui demanda :
« Victor, ton nez... c'est moi qui..? »
Sans détacher son regard du sien, il hocha la tête, affirmatif. Roxane observa ses poings. C'était elle qui avait fait ça, avec ses mains. La force qui l'avait envahie à ce moment-là avait été si grisante... mais elle ne pouvait s'attarder là-dessus maintenant. Elle reprit, plus posée :
« Tu penses qu'il se réveillera bientôt ?
-Je ne sais pas. Peut-être. »

Roxane s'avança dans la pièce. Elle vit du coin de l'oeil Victor sous ses draps mais elle n'y fit pas attention. Elle préféra s'arrêter à côté du lit de Killian.
« Eh bien. Je t'ai salement amoché, dis donc. Un oeil au beurre noir, la lèvre inférieure fendue, le visage tuméfié de manière générale... Voyons ce que je t'ai fait d'autre. »
Elle détacha la fiche médicale accrochée au bout de son lit et s'apprêtait à l'ouvrir quand une voix endormie l'interrompit :
« Que... qu'est-ce qu'elle fout là ?
-Ta gueule. Juste, ta gueule. » souffla Victor.
Roxane sourit dans sa barbe et reprit là où elle s'était arrêtée.

Elle ne l'avait pas prévue, cette réaction. Inspirer une telle crainte chez les personnes qui, il y a peu, la harcelaient, voir celui qu'elle haïssait le plus inconscient dans un lit, un tube enfoncé dans la gorge... Qu'est-ce qu'elle se sentait bien ! Elle était libérée d'un poids, elle respirait mieux, elle se sentait plus forte.
Elle reposa à sa place la petite feuille et se tourna vers les deux garçons éveillés. Ils se raidirent en voyant son attention se porter sur eux. « C'était ça, cette peur qu'ils voyaient chez moi ? »
« Pourquoi n'avez-vous rien dit à la police ?
-... »

Après une hésitation, Victor répondit finalement :
« On avait peur de ce que tu pourrais nous faire si on te dénonçait. »
« Pauvres idiots » songea-t-elle. « Vous pensiez vous protéger en agissant ainsi mais vous vous êtes piégés tous seuls. »
« Je vois... » lâcha-t-elle.
« Tu vas nous laisser tranquille maintenant, hein ? »

Elle retourna sur ses pas, poussa la porte et s'engouffra dans le couloir, ignorant sa question. La jeune fille pianota sur son téléphone et le colla à son oreille. Au bout de quelques secondes, elle s'exclama :
« Allô, Koffi ? Tu pourrais venir me chercher demain pour aller au krav-maga ? J'aimerais te parler de quelque chose... »

L'esprit du lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant