Chapitre 12 : Recherches et rencontre

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Elle desserra son écharpe. Le temps commençait à se réchauffer, elle devrait y penser la prochaine fois qu'elle sortirait. Après une dizaine de minutes, Roxane aperçut enfin la bibliothèque, au coin de la rue. Elle entra dans le bâtiment, de la façon la plus silencieuse possible. Elle n'avait pas de mal à se transformer en ombre quand il le fallait mais ces derniers temps, l'adolescente se rendait compte qu'elle n'était plus aussi invisible qu'auparavant. Les gens la voyaient plus souvent, lui adressaient la parole de temps à autre. Comme la bibliothécaire, en train de ranger des ouvrages, qui la salua. Roxane répondit doucement puis s'enfonça dans les allées. Elle se murmura à elle-même :
« -Au boulot ! »
La jeune fille avait en effet un objectif en tête. Elle ne voulait plus se laisser porter par le courant ; Roxane souhaitait à présent se débrouiller toute seule. Aujourd'hui, elle allait commencer ses recherches sur les esprits-animaux.

Les livres s'entassaient petit à petit sur la table où elle s'était installée. Roxane y déposa un dernier écrit avec une petite grimace. La pile d'ouvrages amassés sur sa table lui donnaient envie de s'enfuir en courant. Qui aurait pu croire qu'il y aurait tant de choses qu'elle ignorait ? Surtout sur un sujet pareil ?! La jeune fille se laissa tomber sur sa chaise en lâchant un soupir. Pour se donner du courage, elle se tapota les joues. Alors elle ouvrit un recueil au hasard et commença à le feuilleter.

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Roxane ne se tapotait plus les joues : à ce stade, c'était des baffes qu'elle se donnait ! Ses yeux se fermaient tous seuls. Cela faisait bien trois heures qu'elle lisait. Elle étendit ses jambes engourdies et bailla. Toutefois, cela n'avait pas été inutile. Elle avait appris beaucoup de choses : les familiers en Europe, les yokaïs au Japon, les totems et les fétiches en Afrique... tous ces éléments se rattachaient, d'une manière ou d'une autre, aux esprits-animaux. « Je ne sais vraiment rien... » se dit-elle, les yeux clos. Soudain le raclement d'une chaise la fit sursauter imperceptible. Quelqu'un venait de s'asseoir à sa table. Au début, Roxane n'y prit pas garde : elle se remit à feuilleter un des livres qu'elle avait choisi. Seulement, son nouveau voisin, un peu trop curieux, se pencha à son tour, lorgnant sur les titres de ses livres. La rouquine se renfrogna. Elle avança lentement, l'air de rien, faisant glisser son livre. Là elle le referma d'un coup, juste sous le nez du garçon. Le claquement sonore eut le mérite de le faire reculer d'un bond, tandis qu'elle lui jetait un regard noir. Le garçon avait le physique cliché du geek : cheveux mi-longs noirs, assez gras, affublé de lunettes en cul-de-bouteille et d'un T-shirt orné d'une inscription « Les jeux vidéos ont pris ma vie, il m'en reste deux ». Étrangement il avait l'air apeuré. Roxane fronça les sourcils, agacée. De quoi pouvait-il bien avoir peur ? Soudain elle comprit. « De moi. Il a peur de moi. » Elle le fixa. Son visage, son expression lui rappelait la sienne, quelques mois auparavant. Ce masque d'angoisse et de peut, cachés maladroitement... Roxane ressentit alors à son égard une bouffée de mépris ; elle se détourna de lui avant qu'il ne se rende compte de ses pensées.
« -C'est intéressant, pas vrai ? »
Il avait une voix un peu grinçante, comme s'il ne l'avait pas utilisé depuis longtemps.
« -J'aime bien ce livre ! » s'exclama-t-il en pointant du doigt l'un des ouvrages.
« Pourquoi il me parle... » Elle lui lança, abrupte :
« -Qu'est ce que tu veux ?
-Eh bien... »
Il hésita à nouveau avant de lâcher :
« -C'est juste que c'est rare de trouver quelqu'un d'intéressé par ce sujet ! C'est un peu... particulier comme thème ! »
Tout d'un coup, il s'exclama très fort :
« -J'ai, j'aimerai beaucoup en parler avec toi ! »
Son cri avait attiré l'attention de la bibliothécaire, qui leur décocha un regard foudroyant. La rouquine esquissa un geste d'excuse avant de se tourner vers le garçon :
« -Non mais ça va pas ? Personne ne t'a dit que ça ne se faisait pas, hurler dans une bibliothèque ?!
-Désolé, c'est l'émotion. »
Roxane le dévisagea, méfiante.
« -J'aimerais bien qu'on puisse en discuter, ensemble... »
Nouveau coup d'oeil.
« -Ou pas...? »
L'adolescente soupira et sortit un mouchoir de sa poche, plié en quatre. Elle en déchira une partie et tendit une main impérieuse vers le garçon.
« -Crayon. »
Il s'exécuta avec précipitation. Elle griffonna quelque chose dessus et le lui tendit.
« -Voilà mon numéro. En échange, je veux que tu m'envoies tout ce que tu sais sur les esprits-animaux, compris ? »
Elle prit ses livres sous le coude avant de s'éloigner. Derrière elle, le garçon s'écriait :
« -Ça, ça marche ! »
Roxane sortit de la pièce, le laissant seul, le bout de mouchoir à la main.

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Une main vint retirer le téléphone de sous les coussins. L'écran affichait quatre appels manqués de Koffi. Roxane lâcha un juron et appuya sur la touche rappel. Elle poussait la pile de livres qu'elle avait emprunté quand Koffi décrocha.
« -Allô ?
-C'est pas trop tôt ! T'étais passée où ?
-J'avais perdu mon téléphone...
-Pas grave. J'ai trouvé quelqu'un qui va nous aider. »
Roxane se mit à pianoter sur la couverture de l'un des livres.
« -Ah ?
-Une amie accepte de nous prêter une salle d'entraînement. On s'y entrainera trois fois par semaine, en plus du krav-maga. Ça te va ?
-...
-Allô ?
-Oui, ça me va. On se voit demain pour le cours du coup ?
-C'est vrai. N'oublie pas tes affaires ! »
Et il raccrocha. Roxane n'avait pas eut le temps de poser son téléphone sur la table qu'il vibrait à nouveau. C'était un message d'un numéro inconnu :
-Salut, c'est le geek de la bibliothèque ! Voici deux ou trois articles sur notre passion commune ! :)
Le message était suivi de divers liens internet. Et puis franchement, un smiley ? « Ce mec est trop bizarre... » Elle répondit néanmoins :
-Et comment tu t'appelles ?
-Nicolas, mais appelle moi Nico, je préfère !
-Ok... merci Nico.

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« -Frappe plus fort !
-Ah ! »
Roxane se redressa un instant, le souffle court. Marteler le sac de frappe la détendait. Koffi, qui retenait le punching-ball, lui chuchota :
« -Essaye d'ouvrir ton pouvoir, suffisamment pour envoyer voltiger le sac de frappe. Ou alors tu en es incapable ? »
Elle lui lança un regard de défi, qu'il lui rendit. Depuis le début de la séance, il l'exhortait à utiliser « l'esprit du lion », comme elle appelait à présent son pouvoir. Mais le soutien de son ami lui apportait beaucoup et elle refusait de le décevoir. C'est pourquoi elle décida d'essayer.

Elle remua ses doigts, engourdis à force de serrer les poings, et ferma les yeux. Son souffle se calma rapidement. Derrière ses paupières closes, Roxane appela en son esprit l'énergie qui l'avait parcourue au zoo.
« -Allez, viens, viens... »
Soudain, au milieu du noir, un éclair orange brilla un court instant. Roxane l'attrapa.
« -AH ! »
Elle frappa.
« -Oh mon... »
La jeune fille ouvrit prudemment les yeux. Autour d'elle, les élèves comme le professeur la dévisageaient, les yeux ronds. Alors elle regarda à son tour le sac de frappe.
Elle était engagée jusqu'au milieu de son avant-bras, coincé dans le punching-ball : son coup de poing avait transpercé le cuir. La mâchoire de la rouquine se décrocha, aussi choquée que ses camarades. Tout à coup, Marius rompit le silence :
« -Ne jamais se fier aux apparences... »
Alexandre pouffa, rapidement suivi d'Anna. Finalement, un fou rire général s'empara du cours de krav-maga, fou rire qui s'intensifia quand Koffi dut demander l'aide de Jérôme pour dégager Roxane du sac de frappe. L'adolescente se joignait aux rires : même après ça, ils ne la jugeaient pas ! La salle d'entraînement était vraiment le seul endroit où elle se sentait bien. Toutefois un dialogue silencieux avait lieu entre elle et Koffi, par le biais de regards incandescents :
« -Tout ça, c'est de ta faute !
-Si tu maîtrisais mieux ta force, on n'en serait pas là ! »
Mi-amusée, mi-énervée, Roxane lui écrasa le pied, l'air de rien ; il lui répondit par une bourrade à l'épaule. La situation dégénéra assez rapidement en bataille rangée, à grand renfort de fausse agressivité.

« -Vous vous entendez vraiment bien ! »
Ils se retournèrent, cessant leurs jeux. Anna, son sourire chaleureux aux lèvres, les regardait, visiblement amusée. Elle poursuivit avec enthousiasme :
« -Le cours est fini, si on allait grignoter quelque chose ? »
Roxane se tourna vers Koffi en réfléchissant à voix haute :
« -C'est bon pour moi, je n'ai rien après ça. Et toi ?
-Oh, désolée Koffi, l'interrompit Anna, mais... tu n'es pas concerné par l'invitation. »
Elle ponctua sa phrase par un clin d'oeil à Roxane. Les rouages mentaux de l'adolescente se mirent lentement en mouvement. « Ça veut dire que... » Roxane se sentit devenir aussi rouge que ses cheveux, tandis que Koffi répondait en riant que cela ne le dérangeait pas du tout.
« -Alors c'est entendu ! » conclut Anna.
Elle gratifia l'adolescente d'un nouveau sourire éclatant.
« -Je t'attends devant le gymnase en attendant que tu te changes...
-Ah, euh, oui, bien sûr, je me dépêche ! » répondit Roxane, les jours brûlantes.

Elle la regarda s'éloigner un temps avant de se tourner vers Koffi :
« -Elle a bien voulu dire... ce que je crois qu'elle voulait dire ?
-Ça me semble correct. »
Roxane reporta son attention sur la porte qui venait de se fermer ; un sourire qu'elle ne pouvait ni ne voulait retenir apparaissait sur son visage.

L'esprit du lionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant