Chapitre 53 :

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Tout en l'ouvrant, je sens une bouffée de chaleur me montrer à la tête, avant de sentir mon corps trembler, ce qui empêche mes doigts de terminer leur travail. Je la pose alors sur la table un moment, avant de souffler un coup et de la reprendre. Une fois la lettre en dehors de son enveloppe, je me mets à la lire à haute voix.

« Ma petite-fille,

  Je ne connais pas encore ton nom, et je ne suis même pas sûr que tu sois une fille, mais saches que je l'espère énormément, et que je le sens au fond de mon Cœur. Mon fils me le cache encore, mais je sais qu'il a trouvé bien plus qu'une femme dans sa vie chez Awa. D'ailleurs, j'ai toujours désiré avoir une petite-fille, et Allah me le donnera InchaAllah, car j'ai nettoyé de la merde  pendant la seconde guerre mondiale avec les tirailleurs sénégalais en France alors je le mérite bien ! Et quiconque t'échange comme un garçon se verra punir comme il se doit. Quoique, si tu en est un, ça ne me dérange pas. Je n'aurais qu'à te couper la kékétte et à t'habiller en porcelaine pour que tu deviennes une magnifique poupée - et je parle de la jolie fille que tu seras avec des nénés qui dépassent du corsage et de fines jambes cachées en dessous de sa robe de soie, pas du jouet au visage affreux que ma défunte tante m'a offert, en pensant encore avoir affaire à un mouton, bien que là ne soit pas le sujet.

  Ma chère petite-fille, je ne sais si je serais encore vivant à ton arrivée, je te dédie donc cette lettre pour que tu saches que je pense à toi et que, quoiqu'il arrive je t'aimerais. Je n'ai pas pour habitude d'aimer les gens sans les connaître, mais toi, j'ai déjà l'impression de te connaître.
Cette nuit, j'ai fais un rêve. J'ai rêvé que je te prenais dans mes bras et que je te câlinais tendrement, rempli de joie, tout en te regardant sourire, les yeux implantés dans les miens. Tu avais les cheveux bruns, les yeux noisettes, et des magnifiques fossettes au...sacrebleu, tu avais des fossettes au front ! Et ce n'est que maintenant que je me rend compte de la supercherie...Bah, j'ai sûrement dû te voir plus vaguement que prévu, ou bien est-ce vraiment le cas. Si c'est une maladie, je te prie de ne plus t'approcher de ma famille...

  Enfin, l'important est que j'ai rêvé de toi, et que tu semblais tellement embellis que ça m'en brûlais les yeux. Alors, désormais, tout ce que je désire pour toi, c'est que tu grandisse et vive heureuse, et ce à jamais. Car, je ne suis peut-être pas l'homme, le mari ou le père parfait, mais si je sais bien une chose, c'est que tu as désormais une formidable famille qui t'attend, et que je suppose que c'est une famille avec qui tu vivras autant de moments de joie que de tristesse, car, vois-tu, on ne peut connaître le bien sans le mal, comme qu'on ne peut connaître la vie sans la mort - et je sens qu'avec ce que je viens de dire, tu vas finir suicidaire comme ces juifs et ces...Ta grand-mère m'épie et cherche à me faire comprendre que les juifs ont été exterminés par les nazis, et non pas suicidés...Ah, oui, c'est vrai, j'y étais. J'ai fais la guerre de 39-45 et je peux te dire que j'en ai vu des morts, mais avec le temps, on oublie. Oui, d'accord, c'est une période inoubliable, mais puisque c'est fini et que j'ai réussis à revenir chez moi sain et sauf, je n'ai plus à m'en inquiéter...je m'emporte encore.

  Ma petite-fille, dans un avenir proche, tu vas connaître le grand amour (ou, à l'équivalence, le parfait partenaire sexuel !) et en amour, il est toujours très difficile de faire ses choix. Tu tomberas surement sur un magnifique étalon à la peau cirée et au regard charmeur, à la fois beau, riche et intelligent, ou bien sur un gros porc qui lèche constamment son assiette avant d'en redemander maintes fois, pour ensuite s'enfermer dans sa chambre et y passer son temps, avec ses magasines indécents et ses poils pubiens aussi tordus que son caractère...Ah, tiens, cela décrit parfaitement ton cousin, Baye Cheikh. Mais je crois que le jour où tu le rencontrera, il sera mort de diabète, de cholestérol, ou étranglé par un os de poulet mal passé.

  Enfin, le plus important est que tu vives longtemps et joyeusement. Si jamais je quitte ce monde sans jamais te rencontrer, j'aimerais te voir heureuse, le sourire constamment sur les lèvres, et le cœur gros, donnant ainsi de l'amour à tous ceux qui te le rendent, ou leur donnant simplement parce que tu les aime. Et, en outre, j'aimerais aussi te voir dans les bras d'un bel homme, qui te mérite amplement, avec, peut-être bien, de sacrés gosses sur les épaules. Car, saches que, même si je ne te connais pas, je t'aime déjà, et j'espère tout le bonheur du monde pour toi, et même plus que pour ta grand-mère qui me pourrit la vie depuis 50 ans de mariage !
  J'espère ainsi que tu liras cette lettre un jour, et qu'en la lisant, les larmes que tu verseras ne seront point des larmes de peine, mais des larmes de joie, témoin à la fois de l'amour que j'aurais pu te procurer, comme un admirable grand-père.

De ton magnifique grand-père qui n'a plus de cheveux, ni de dents,
Amadou le petit tirailleurs.

P-S : T'as intérêt à m'appeler Grand-père, hein ! Ne sois pas trop zinzin. »

Je referme la lettre, me lève et m'effondre dan les bras de grand-mère, en larmes. Penda a raison. Tout ce que grand-père désire, c'est notre bonheur, alors désormais, je ne vais verser que des larmes de joie en son honneur, et je vais précieusement écouter ses conseils à la lettre. Abandonner mes études et vivre dans le désespoir ne va rien arranger, sans oublier que c'est à moi de construire mon avenir, en ne comptant sur l'aide que de quelques personnes, en commençant par mes parents, Penda...et Mansour.
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ÉPERDUMENT | Tome 2.☆Terminée☆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant