22 : L'Alpha

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Il faisait nuit. Ils avançaient lentement mais sûrement. La neige jusqu'aux genoux, le brouillard n'arrangeant rien, ils ne distinguaient rien à l'horizon. Ils refoulaient la neige avec le bout de leurs bottes, mais cela ne servait à rien.

Ils haletaient, épuisés après tant de marche. Mais ils n'avaient qu'un seul objectif, même si celui-ci les conduisait à une mort certaine. Le plus grand des deux porta sa main à sa hanche, où pendait un gros sac de cuir. Sa paume rencontra la surface ronde et en relief avec plusieurs piques. Ce contact suffit à apaiser l'esprit nerveux de l'homme.

Ils continuaient à avancer dans la pénombre quasi-complète, quand des halos de lumières attirèrent leur attention. C'était signe qu'ils arrivaient.

Bientôt se dressait devant eux un camp énorme, très sécurisé et infranchissable. Des constructions de bois très sophistiquées, avec des bateaux de chasse comme jamais vus auparavant, des milliers d'hommes couverts de fourrure blanche et des machines de guerres inédites. La neige ne semblait pas les déranger et marchaient normalement. Aucun doute, ces hommes-là étaient habitués au grand froid de la région. L'océan sombre et noir donnait au paysage un air sinistre. Du moins, plus qu'il ne l'était déjà.

— On y est, déclara l'autre homme.

— En effet.

Les deux compagnons se dévisagèrent pour une dernière fois. Qui aurait cru que cette quête les mèneraient jusque là ? Le plus vieux des deux y avait consacré sa vie. Toute sa vie passée à établir une relation de confiance avec les seuls susceptibles de pouvoir l'y guider... Quant à l'autre, il y avait également consacré sa vie, mais d'une autre manière. Mener des recherches, bâtir une armée, s'entraîner, espionner, et bien d'autres choses. Mais tout ce que ces deux hommes ont accompli (les crimes, les tueries, les vols, les traîtrises, ...) n'étaient que sous les ordres d'un seul homme. Un seul. Et celui-ci était un homme plus cruel que tous les ennemis que les dragonniers ont eu à affronter réunis.

— Tu sais ce que ça veut dire, continua le vieux.

— Oui.

— Mais au moins, ce ne sera pas en vain...

— Oh non, loin de là. Avec ça, dit-il en désignant sa sacoche, il deviendra imbattable, tu peux me croire. Et alors on pourra être fiers, de là où on sera, de le voir écraser ces dragonniers de malheur.

Le plus grand se souvint d'il y a seulement quelques jours... Quand il était à la tête de sa puissante armée de Cuirassiers. Il se souvint également de quand il a rencontré Harold Haddock pour la première fois. De quand il a failli acheter le Furie Nocturne, aux enchères. Il se souvint de son attaque afin de prendre possession de la Rive du Dragon. De tout ce qu'il a accompli. Il avait vécu une vie sous ses ordres, mais il a été chef. Il a été craint. Il a été puissant. Alors il pouvait estimer que sa mission était accomplie à présent.

L'autre homme pensa à sa vie. De quand il s'était rendu compte que le seul qui puisse le mener à l'objet de sa quête était un frêle viking unijambiste ! Telle était sa colère lorsqu'il l'avait apprit, mais il n'y pouvait rien. Aussi, des années durant, il a marchandé, négocié, au profit seul de Beurk. Il s'était fait passer pour un négociant agaçant, peureux et collant. Il était un bouffon qui complimentait sans cesse Stoïk et son fils. Mais il avait réussi. Il était là, maintenant, il l'avait rapporté et même s'il mourra, il avait accompli sa mission. Et son plus grand souhait a été exaucé. Apparaître chez ces maudits dragonniers avec son véritable visage. Voir leurs expressions dépités, incrédules. C'était pour lui le meilleur des cadeaux. Et il l'avait obtenu. Alors il pouvait estimer que sa mission était accomplie à présent.

Ils se regardèrent, et d'un accord silencieux, franchirent la limite de territoire. Ils étaient maintenant dans son territoire. Ils avancèrent pas après pas, silencieux. Arrivés face à l'énorme rempart fait de troncs d'arbres taillés, ils s'arrêtèrent et observèrent l'homme à la fourrure blanche.

— On a quelque chose pour lui, déclarèrent-ils simplement.

L'homme les laissa entrer sans plus de discutions. Il savait qui ils étaient, pourquoi ils étaient venus et qu'est-ce qu'ils feraient.

Après avoir marché quelques mètres, dans l'enceinte du fort armé, ils arrivèrent face à lui. Il était là, juste face à eux. Et il n'avait pas changé. Grand, costaud, imposant et autoritaire. Ses nombreuses cicatrices sur son visage témoignaient de son passé, tout comme son bras gauche. Son regard noir était perçant, méfiant. Il ne disait rien. Une minute passa.

L'homme à la sacoche ouvrit cette dernière, et, avec prudence, sortit quelque chose. C'était un rond, un peu ovale, bleu clair avec quelques piques de glace. Il était beau, et il rayonnait. Une petite lueur bleutée s'en échappait.

Les trois hommes l'observèrent, fascinés.

— Il est là, Drago.

Ledit Drago ne répondit pas. Il continuait à l'observer. Depuis tant d'années... Il est là ! Enfin ! Il deviendra le seul maître des dragons !

Il s'approcha doucement et le prit dans sa main, calmement, puis appela quelques hommes qui allèrent le maître dans un endroit encore plus sécurisé.

Les deux voyageurs attendaient leur sort, maintenant. C'était fini. La vie était finie. Ça faisait drôle, de se dire que dans quelques minutes, ils ne respireront plus. Ils ne verront plus. Ils ne sentiront plus. Ils n'entendront plus. Ils ne vivraient plus.

— Toi, et toi, occupez-vous d'eux, ordonna Drago. Vous avez vu l'Alpha, vous ne pouvez plus vivre. C'est trop risqué.

Ça, ils le savaient. C'est pour l'avoir trouvé qu'ils mourront. Mais après tout, en ramenant l'Icebeast à Drago, ils viennent de lui offrir l'ultime machine de guerre. Il contrôle les dragons. Et celui qui contrôle l'Alpha, les contrôle tous ! Leur vengeance auprès des dragonniers et de Beurk ne pourra que réussir.

Après tout, ne ditons pas que la vengeance est un plat qui se mange froid ?

Deux hommes à fourrure blanche s'approchèrent, une épée à la main. Et voilà. C'est fini.

Krogan mourut, son éternel sourire aux lèvres, le regard planté vers le ciel.

Johann mourut, le visage inexpressif, mais pourtant, dans ses pupilles, brillait encore cette chose malsaine et cruelle.

Quant à Drago, il avait l'Icebeast. L'Alpha. Le Roi des Dragons. S'il parvenait à le contrôler, aucun dragon ne lui résistera plus. Il aura la plus grande armée de dragons, il sera leur seul maître ! Et alors, tout sera à lui.

C'est en se servant des uns que l'on vainc les autres. Et ça, il le savait depuis qu'il n'était qu'un gamin. Quand tout cela est arrivé... Les dragons. Tant qu'il vivra, il fera tout son possible pour martyriser ces démons !


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Encore un épilogue et c'est fini ! Mon Thor, c'est passé si vite ! On se retrouve samedi ! (ouais, je vais publier plus tôt car j'ai fini en avance ^^)

Drekki

Conquérons le ciel [EN CORRECTION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant