Chapitre 2

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Je sors de chez moi, la tête basse, toujours. J'ai passé une bonne partie de la nuit à pleurer. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai été très touchée par le film d'hier. Je rabats ma capuche et vérifie que je n'ai pas oublié mon porte-monnaie. Je continue tout droit jusqu'au Starbucks. Il y a un monde incroyable. Je prends mon téléphone, déroule mon fil Instagram et ouvre mes snapchats. Agata m'a beaucoup contacté. Je ne veux pas lui répondre, je ne suis pas encore prête. J'arrive au comptoir.

-Belly! Ça va? dit le garçon tablier vert.
-Nan, Tin, soufflais-je, exaspérée. Un Chaï Tea Latte... Soja. Moyen. Comme d'habitude quoi!

Je ne sais pas pourquoi je lui ai répondu. J'ai plutôt tendance à ne pas me faire remarquer. Mais Martin je lui fais confiance à 99%.

-Ah oui, pourquoi? s'inquiète-t-il.

Il tapote rapidement sur son écran puis attrape un gobelet et un couvercle. Il met en marche la machine à sa droite puis me fixe. Il a l'air impatient.

-Pour hier.
-Le film ne t'a pas plu? Et pourtant... Il y a...

Il ricane en fermant ma boisson. Je sors un billet de ma pochette.

-Laisse je te l'offre, suggère-t-il, accompagné d'un clin d'œil.

Je le remercie puis attrape le récipient brûlant et sors dehors. Le monde afflue et la température augmente là-dedans. Je fais le même chemin mais dans l'autre sens. Je passe les mêmes portes automatiques de l'hôtel et croise mon père.

-Chérie! Je ne pensais pas te croiser avant mon prochain entretien, déclare-t-il en me prenant dans ses bras.
-Pourquoi tu es tant occupé?
-J'ai du travail!

Mon père est le patron de cet hôtel. Il passe sa vie loin de moi. Il est souvent en déplacements. Il lance une chaîne d'hôtels luxueux dans le monde. Ça fait trois semaines que je ne l'ai pas vu. Il me prend alors les épaules.

-Et tes études?
-Lesquelles? riais-je. Nan... Ça va. Je perfectionne mon anglais.
-Tu n'as pas besoin de ses cours, tu es déjà bilingue! Pourquoi ne peux tu pas sauter une année?

-Papa... soupirais-je.
-Ok.

Il me regarde de bas en haut.

-Tu pourrais mieux te vêtir, au moins.
Je suis habillée de mon inséparable sweat et d'un jogging un peu baggy. Comme tous les jours, j'ai enfilé mes UGG beiges.

-Pourquoi?
-Parce que...

Il regarde sa montre et sursaute. Mon père sors dans la rue pour aller prendre un taxi. Je soupire doucement en regardant la voiture s'éloigner. Il s'efforce de travailler jours et nuits pour réussir. Je me retourne vers l'ascenseur et appuie sur le même bouton. Il avait quand même l'air ennuyé de me répondre. Les portes métalliques s'ouvrent. Je rentre. Alors, je vois un taré avec des lunettes de soleil courir vers moi avant que les portes ne se ferment juste derrière lui. Je fais genre que je ne l'ai pas vu. Mais je suis attirée par une odeur qui virevolte dans l'espace restreint. Une odeur parfumée. Mon Chaï Tea Latte, je pense. Mais, je tourne la tête vers le nouveau venu. Je sens la même odeur à l'autre bout de l'ascenseur. Alors, je fixe sa main. Il porte le même gobelet que moi. C'est atypique qu'une personne aime cette boisson. Le temps me parait long mais pour la première fois depuis longtemps, je me sentis apaisée. Mon regard suit le long de son bras jusqu'à son épaule. L'homme est en smoking noir simple et porte une chemise blanche dessous. Il est très chic. Je n'ose pas trop regarder son visage. Donc, je fixe ses pieds. Il a des bottes brunes en cuir et je peux voir qu'il a des chaussettes rayées qui m'intriguent. Rongée par la curiosité, je me retourne pour voir enfin son visage. Il regarde en face de lui. Je peux voir ses cheveux blonds bien coiffés et sa légère barbe bien taillée. Ses fines lèvres rosées viennent se poser sur son gobelet. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression de l'avoir déjà vu des milliers de fois. Il vient croiser ses jambes pour s'appuyer contre le mur. Il tourne la tête alors vers moi. Il a l'air intrigué comme moi je le suis. Je vois un de ses sourcils se lever au dessus de ses lunettes. Nous nous fixons sans raison précise. J'ai envie de détourner le regard mais je n'y arrive pas. Alors l'homme porte sa main à ses lunettes. Il pince la branche et soulèvent les vers opaques. Je manque de tomber par terre comme une idiote. Je me colle au mur, la respiration saccadée, le coeur palpitant.

-Hi! commence-t-il, d'un ton chaleureux.

Je n'arrête pas de fixer ses yeux. Ces yeux que je pourrais reconnaître entre mille. D'un bleu clair, pur. Alors, essayant de reprendre mes esprits, je bafouille:

-Hi.

J'ai envie de pleurer. J'ai tellement rêver de ce moment. Mais, c'est mieux en vrai. Il abaisse ses lunettes. Je transpire sous mon sweat. Mon rythme cardiaque n'arrête pas de s'accélérer.

-Calm down, rit-il. It's just me.

Il a deviné que je l'avais reconnu. Je suis sous le choc.

-Just you? murmurais-je.

Il fait un pas vers moi et tend son gobelet devant lui, comme pour trinquer. Je n'arrive plus à prononcer un seul mot. Je suis à moins d'un mètre de LUI. Alors, tremblante, la plus naturelle possible, mon gobelet s'approche du sien. Nous trinquons, comme de vieux amis. Je n'y crois pas. J'avale une grosse gorgée de mon thé bouillant d'un coup. Ça me brûle mais je ne réagis pas. Je suis clouée sur place par son regard.

-Mr Stevens? demandais-je, ne tenant plus en place.
-Yes?
-What are you doing here?

Il hésite avant de me répondre franchement.

-Enjoy Paris.
-I hope you do.
-Sure! réplique-t-il, en secouant la tête de haut en bas.

Oh mon Dieu. Je ne sais plus quoi dire.

-So, you know my name but I don't know yours.
-Ombelline Budd.
-Om... bél... line... essaye-t-il de prononcer mon prénom.

Nous rions de bon coeur.

-Belly. Call me Belly.
-Me, Dan.

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