Chapitre 1.

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La porte se referma précipitamment. Le bruit caractéristique de la serrure verrouillée retentit, seuls les pleurs étranglés et la respiration saccadée de l'adolescente devinrent audibles. Debout, tremblante, elle essayait de calmer les battements fous de son cœur, en vain. Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour s'écrouler au sol, secouée par des sanglots trop forts pour son corps si frêle. Elle devait les laisser s'échapper. Elle devait s'échapper.

Toujours aussi peu assurée, elle tâtonna, cherchant le cutter qu'elle savait caché sous une latte de son lit. Elle mit rapidement la main dessus, il ne restait jamais caché bien longtemps. La lame glissa lentement sur son poignet, s'enfonçant facilement dans la chair déjà maintes fois meurtrie. Le sang perla et coula silencieusement avant de s'échouer simplement sur un mouchoir. Ce dernier fut bientôt trempé par des larmes amères, de douleur et de honte mêlées qui s'écoulaient sans interruption de ses yeux.

Comment une douleur aussi forte pouvait soulager tant de maux ? C'était à croire que sa souffrance était dans son sang. Qu'avec lui, s'écoulaient ses problèmes, ses peurs, ses angoisses. Elle devenait presque euphorique, un état indescriptible entre le paroxysme de la douleur et la joie la plus bestiale.

Une fois le mouchoir devenu écarlate elle lâcha le cutter et fixa son bras comme si elle se rendait enfin compte de ce qu'elle venait de faire. La culpabilité commença à lentement monter, bloquant sa respiration avant qu'elle ne recommence à pleurer plus fort, étouffant ses sanglots en posant sa main sur sa bouche. L'euphorie disparaissait, ne laissant place qu'au plus grand vide dénué de sens qui l'habitait systématiquement une fois la peau tailladée.

Mais la crise était passée, il fallait se ressaisir. Ne pas craquer une seconde fois. Alors, l'adolescente prit des compresses et du désinfectant et commença à nettoyer ses plaies. Elle ne coupait pas à ce petit rituel. Bandant enfin son bras pour que les risques de se faire attraper deviennent moindres, elle enfila un sweat-shirt large, cachant ses marques ainsi que ses côtes apparentes. Ses côtes qui ne saillaient pas assez à son goût, son corps qui l'écœurait. 


Monstre. Laideron. Disparais.


Elle alla dans la salle de bain laver le cutter et jeter le mouchoir. Personne ne devait voir ça, savoir ce qu'elle faisait pour se purifier. Jetant une serviette sur le miroir pour ne pas voir son immonde reflet, elle monta sur la balance et ferma les yeux. Dépasser le poids qu'elle s'était fixé voulait dire une nouvelle cure sans nourriture, même si elle savait au fond d'elle que c'était mauvais. Elle soupira de soulagement, l'aiguille n'ayant pas dépassé 40 annonçait une relative bonne soirée.

Elle descendit lorsque son père l'appela et mangea lentement son repas du soir. Une fois son assiette vide elle débarrassa et lava la table avant de faire la vaisselle, malgré les vertiges légers et la douleur importante qu'elle ressentait au bras. Elle retourna à l'étage et vomit son repas dans les toilettes, ne supportant pas l'idée de prendre du poids maintenant qu'elle avait été rassurée sur le fait de ne pas avoir grossi. C'était la même routine épuisante tous les soirs. Elle dépérissait petit à petit, dans l'indifférence générale. On n'a pas de vrais problèmes à 15 ans, c'est bien connu pourtant.

Elle se coucha dans le noir. Il était temps de cesser cette comédie grotesque. Morphée lui tendait les bras, seul refuge loin de sa triste réalité. Derrière ses paupières closes, les événements de la journée repassaient, lentement...

- Ah regardez qui voilà ! Mais c'est pas la moche ? Oh Camille ! Tu m'ignores ? Tu veux mourir ?

Des rires moqueurs retentirent. Elle baissa la tête et accéléra le pas, comme les battements de son cœur qui se faisaient brusquement assourdissants.

Mais c'était déjà trop tard. Elle sentit ses cheveux être empoignés et vit le sol venir à sa rencontrer brusquement. Dès lors, elle abandonna toute résistance, acceptant, encaissant les coups et les insultes qui pleuvaient presque sans discontinuer sur elle. Serrant les dents, elle se refusait à leur offrir le spectacle de ses larmes.

Au bout de quelques minutes, les adolescents se lassèrent et partirent. Elle se releva difficilement et se cacha dans une cabine de toilettes pour pleurer son soûl, laissant enfin sa faiblesse s'exprimer, loin du regard des autres, du moins jusqu'à la sonnerie de début des cours.

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Voilà premier chapitre de "Broken" du même style que ma dernière fiction.

Ce sujet me touche énormément et écrire dessus est ma manière de lutter contre celleux qui harcèlent et poussent les gens à se faire du mal, de témoigner.

Il n'y a aucune incitation au suicide, ni à la mutilation. Si ces sujets risquent de vous faire du mal, ne lisez pas s'il vous plaît, sincèrement.

Broken.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant