Il ferma et cacha son livre sous son comptoir: son titre disait trop ce qu'il cherchait lui-même. Il en avait entendu parler il ne savait plus trop où. Peut-être un touriste visitant les îles du Cap Vert, lorsqu'il était adolescent. Un de ses premiers amants?
Quand il avait commencé le livre il avait été surpris de constater qu'il commençait juste après la guerre, en Italie. Il ne savait pourquoi il avait imaginé un autre livre. Au lieu de commencer dans un port il commençait dans une gare détruite avec des trains en partance. Pour un livre ayant pour titre le marin de Gibraltar, ça lui plaisait.
Il l'attendit longtemps, ce marin. C'était annoncé, dès le début du livre, que ce marin était en réalité un mirage, une idée, un objet immatériel. C'était la magie du livre: on courait après lui quand même. On l'attendait. On se consumait dans l'attente comme un amoureux attend une fille, ou un garçon, des heures durant, le cœur serré. D'ailleurs, après quelques pages qu'il trouva ennuyeuses et contradictoires il retourna à cet implacable résumé inscrit sur la porte de livre:
Qui est le marin de Gibraltar? C'est la jeunesse, le crime et l'innocence, un homme simple, la mer, les voyages. Un homme qu'elle a aimé et qui a disparu, qui est peut-être mort ou qui se cache.
Le crime ou l'innocence? Un innocent les mains pleines? Ce sont des mystères qui nous entraînent parce qu'on ne parvient pas à les percer. On tourne autour. Un peu plus loin dans le livre on lit : Ainsi les ailes admirables et chaudes du mensonge sur le dos de l'ange. L'ange est sur le tableau, à Florence. Pourquoi ment-il? Nous voilà revenus au temps les dieux n'étaient pas meilleurs que les hommes?
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Playa del Rio
General FictionDes personnages en quête d'amour, qui se cherchent, qui s'évitent, qui se croisent sans se rencontrer, qui lisent chacun un livre, une histoire, une vraie, comme on aimerait en vivre une, une fois dans sa vie. Un marin de la vieille Espagne qui par...