Playa del Rio

pedro Les nouvelles de Saint Petersbourg

Comme Pedro l'avait prévu, le marin franchit de nouveau la porte de la voiture bar avec l'inévitable ballottement comique du bateau un peu en retard sur la marée et qui manque de peu de se faire envoyer sur les rochers par le terrible courant de la mer descendante. Il dut à nouveau se rajuster, écarter les pieds et se tenir au comptoir pour assurer son équilibre avant de demander d'un air revêche qui était de bonne augure:
- fais moi un café noir s'il te plaît. Ce train est lent et de plus en retard. A Ribadeo il avait déjà vingt minutes de retard...
- Il arrive qu'on rattrape le retard.
- Ne me raconte pas de sonnettes. C'est interminable et je commence à piquer du nez sur mon livre.
En effet il avait déposé les nouvelles de Saint Petersbourg sur le comptoir. Pedro déposa à côté le café demandé et lut à l'envers le nom de l'auteur. Il n'en avait jamais entendu parler. Un gradé pensa-t-il, jamais un simple marin ne lirait ce genre de livre.
- toi aussi tu aimes la lecture...
Le marin se pencha au dessus du comptoir et sans vergogne attrapa le marin de Gibraltar.
Pedro se sentit démasqué mais les noirs ne peuvent rougir et son émotion passa peut-être inaperçue.
- et c'est bien ce marin de Gibraltar?
- C'est long...
- Comme tous les romans, et tu as le temps, il n'y a personne dans ce train. Mauvais pour les affaires mais bon pour la lecture et tu aimes ça, n'est-ce pas?
- Les paysages sont beaux aussi, et parfois j'ai de la visite. Des gens qui n'aiment pas lire ou qui n'ont pas pris le bon livre et qui s'ennuient. Ton livre est ennuyeux?
- Pas du tout, mais j'ai peut-être un peu de mal à me concentrer aujourd'hui...je suis impatient d'arriver et ce retard ne peut que m'exaspérer. Alors je viens m'en prendre à toi...
- Je suis là pour ça, calmer les clients, faire passer le temps, pour qu'ils se souviennent du bon temps qu'ils ont passé dans la voiture bar, avec moi.
Pedro regardait le marin mais il n'arrivait pas à croiser son regard.