abuela La grand-mere

8 0 0
                                    

La abuela regardait la mer. Cela faisait bien dix ans maintenant qu'elle s'offrait ce luxe, une semaine par an au mois de juillet: passer quelques jours au bord de la mer avec sa petite fille. CELIA était maintenant une belle étudiante aux cheveux longs d'un brun profond, mais elle acceptait de bonne grâce le rituel annuel des vacances avec sa grand-mère. Assise sur la terrasse de sa chambre isabelle faisait face à la mer, et d'un regard pouvait embrasser tout le paysage. Elle pouvait rester la à le contempler, la journée entière. Sans relâche les vagues se formaient au fond de la baie, leur lame transparente s'élevait progressivement, le vent volait au passage quelques gouttes salées à la dentelle d'écume qui annonçait la chute de ces montagnes éphémères. Leur écroulement continu emplissait la scène d'un bruit qui apaisait toutes les angoisses. L'univers clos de ce paysage, les collines sauvages qui entouraient la baie, les rochers noirs tombant dans la mer, une île au loin, une presqu'île avec de petites langues de sable blanc et des grottes sombres creusées par la mer, tout cela formait un écrin protecteur qui la renvoyait au début du monde, au début de sa vie, avant que tout commence.
Serait-elle encore la l'année prochaine? Elle sourit intérieurement.  Bien des fois au cours de sa vie elle s'était inquiétée. Elle avait cru voir la mort qui la poursuivait, prête à la saisir. En temps que Medecin elle avait du annoncer de mauvaises nouvelles à ses patients. Elle avait vu l'effroi dans leurs yeux, elle avait senti l'ombre palpable d'une fin prochaine et terrifiante. Cette terreur, elle l'avait maintes fois ressentie pour elle-même, par ricochet. Maintenant la situation était différente. Il ne s'agissait plus de finasser. La mort ne se préoccupait plus de déguisements, de masques, de mauvaises plaisanteries. Elle était tranquillement assise sur une pierre au bord du chemin. Elle attendait, c'est tout. La grand-mère ne serait pas une proie si glorieuse. Rien à voir avec une jeune gazelle dans laquelle elle pourrait planter ses crocs après une course éperdue. Que pouvait-elle espérer? La faire souffrir un peu? La regarder grimacer et quémander un peu d'air pour tenir encore, une nuit, une semaine peut-être? C'était risible maintenant. La question de l'au-delà n'était plus une question. Elle restait libre d'imaginer ce qu'elle voulait. Des choses farfelues et agréables . Personne ne viendrait vérifier...bref il restait l'ici et maintenant et le pouvoir immense de l'imagination.
Dans l'ici et maintenant il y avait certes la contemplation du paysage, mais aussi celle de ces deux charmants maîtres nageurs qu'elle voyait le plus souvent de dos, assis sur leur chaise. Leur dos muscle et bronze était lui même un paysage. Cette force au repos, cette souplesse, cette douceur respirant simplement, ces corps prêts à bondir la fascinait. Quel contraste avec son corps à elle, désormais flétri, ses bras décharnés avec la peau pendante. Elle avait toujours aimé les hommes, elle les observait avec attention. Elle aimait cette belle mécanique comme les hommes aiment les voitures. Elle avait toujours aimé en faire le tour, observer l'ensemble aussi bien que chaque partie. Les jambes des hommes la rendaient folle comme les jambes des femmes rendent fous les hommes.
Des hommes elle en avait connu beaucoup parce qu'elle avait été belle et que tous se retournaient sur ses talons hauts et sa robe rouge. Tiens , pourquoi se souvenait-elle en particulier de cette petite robe rouge serrée à la taille avec une jupe plissée? Avec le rouge à lèvres assorti elle ressemblait a une starlette de cinéma. C'était intimidant évidemment mais ainsi les hommes les plus hardis étaient fiers de leur conquête. Elle avait rencontre un bel américain dans un dîner à Barcelone et elle était partie avec lui, à New York puis à San Francisco. Elle avait mené la grande vie mais cela n'avait duré qu'un temps. Elle était revenue en Espagne presque sans un sou et avait du redémarrer à zéro. Mais elle s'était bien amusée. Il n'y avait rien à regretter.

Playa del RioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant